Hommage et partage
Nous nous réjouissions cet été du retour définitif de Sonia M’barek. Saluons désormais sa constance, avec deux à trois petits mois après, le concert en hommage à que l’excellentissime chanteuse nous propose mardi 19 janvier, au Théâtre municipal de Tunis.
Il y a nombre de motivations à la base de ce concert. Le labeur de l’artiste, bien sûr, et sa persévérance. Mais encore, si l’on y regarde bien, l’intelligence thématique qu’elle s’efforce d’introduire dans chaque projet musical. Nous l’avons appréciée dès 1990 dans «Musiques sans frontières» à Hammamet, dans «Le voyage en Méditerranée» (2006), dans l’évocation du regretté poète et parolier A. Boudhina, dans les traductions des grandes poésies universelles, voilà qu’elle y ajoute, au bonheur de ses nombreux admirateurs, un récital entièrement dédié au poète Martyr de Grenade, emblème de la résistance au Franquisme, assassiné en 1936.
L’hommage à Federico Garcia Lorca marque aussi une célébration et une commémoration, à l’initiative de l’ambassade d’Espagne en Tunisie :
— Célébration du début de la présidence espagnole à l’Union européenne.
— Et la commémoration, (incontournable devoir de mémoire) du 60e anniversaire du déclenchement de la guerre civile, l’hiver 36.
L’emblème des opprimés
Rencontre d’un mythe de la culture espagnole et d’une des voix les plus savantes et les plus raffinées de la chanson tunisienne : la perspective est alléchante, et la qualité sans doute garantie.
Ne parlons pas du répertoire poétique de Garcia Lorca. Il est dans toutes les mémoires en Europe et dans le monde, mais aussi (gardons-nous de l’oublier) dans celles des intellectuels et poètes arabes, tant pour des raisons historiques que parce que Lorca symbolise à leurs yeux, le destin tragique des opprimés.
La référence à la Palestine est du reste présente dans la récital de mardi, avec un extrait chanté du recueil du poète tunisien Addelaziz Kacem «Accès d’amour en temps de haine» dans lequel il jette son cri «nombreux sont les martyrs du verbe, face à la mort ils sont tous les Lorca…»
Emouvante analogie qui rehausse le propos d’un concert où le partage historique et affectif entre «les deux peuples de l’Andalousie», est clairement mis en avant.Le travail accompli par Sonia M’barek, par ses traducteurs (Fraj Chouchane et Abdelaziz Bel Haj Kacem), par ses concepteurs musicaux (Tahar Guizani et Rachid Yeddâss), ainsi que par les sept musiciens de son takht impressionne de même.
Lorca d’abord est difficile à traduire. Surtout — assure Sonia M’barek — c’est un poète rebelle, musicien, plasticien et auteur dramatique, dont la mise en musique est loin d’être évidente.
Hors des sentiers battus?
Comment met-on en musique l’Andalousie, qui plus est l’Andalousie de Lorca?
Pendant la présentation donnée mercredi 13 en présence de Son Excellence l’ambassadeur d’Espagne, Sonia M’barek a parlé d’un développement mélodique sortant autant que possible des modèles usités. Le flamenco sera présent certes, les modes mineur et majeur idem, mais l’artiste chantera aussi La cante jondo,chant profond d’origine populaire devenu avec Lorca un genre poétique reconnu.
D’autres genres chers au poète viendront renforcer la jonction entre les deux andalousies ibérique et arabe.
«A travers le duende, la Gazala et le Quacid de Lorca, Sonia M’barek tentera de retrouver le mawel, l’irtijal, le maquam irakien et d’autres formes arabes dans leur dimension tragique et moderne, qu’ils soient expressions de douleur, de joie, d’amour ou de tendresse…».
Concrètement, le concert se présentera en trois principaux volets :
Premier volet : l’empreinte de Lorca sur quelques poètes arabes (notamment sur Nizar Quabani).
Second volet : les poèmes traduits : «Diversité indécise» faite de douleur et de soif de vie.En somme, la transposition arabe (tunisienne) de Garcia Lorca que Sonia M’barek et ses collaborateurs espèrent du mieux possible réussie.
Troisième et dernier volet : les chansons populaires de Lorca que Sonia M’barek interprétera en espagnole.
Six mois de préparation en tout et pour tout, et la preuve, encore une fois, que la musique savante a ses interprètes et ses adeptes… et pourquoi pas son bon public en Tunisie.
Mardi 19 janvier, à 19h00, au Théâtre municipal (Tunis)
Source: la Presse
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