Université de La Manouba
Au terme de plus d’un siècle de lutte entre chrétiens et musulmans dans la Péninsule Ibérique, Philippe III décida enfin en 1609 l’expul- sion de tous les Morisques d’Espagne afin que le pays puisse retrou- ver son intégrité et le calme tant espéré. Le gouvernement avait pris les mesures nécessaires pour que cette expulsion soit rapide et effi- cace. Cette minorité a été forcée, du jour au lendemain, à s’exiler dans un pays où ils pensaient retrouver une certaine liberté d’action, de pensée, de mouvement et de religion. Ils pensaient pouvoir s’installer dans une nouvelle terre d’accueil. La réalité fut tout autre puisque dès leur arrivée ils s’étaient retrouvés dans un monde différent, primaire et inconnu. Comment ce peuple en désarroi a-t-il pu survivre loin de sa terre d’origine? Les témoignages de l’époque diffèrent, quelques uns pensent qu’il y a eu intégration et même assimilation de cette mi- norité, d’autres pensent que certains vécurent une seconde tragédie puisque la population autochtone les avait complètement rejeté les traitant de mécréants et d’espagnols. Ils parlaient pratiquement tous le castillan et en outre leur aspect physique différait, bon nombre par- mi eux étaient blonds aux yeux bleus. D’ailleurs, plusieurs tentèrent un retour au pays natal malgré les atrocités du Tribunal de l’Inquisi- tion. Un bon nombre de procès de l’Inquisition témoignent de ce fait. Ayant refusé de renoncer à la foi musulmane, ils furent ainsi traduits devant le Tribunal de l’Inquisition.
Dans notre travail, nous essayerons de relater l’histoire de cette minorité morisque un siècle après leur arrivée selon le manuscrit iné- dit de Francisco Ximénez.
Qui est Francisco Ximénez et pour quelle raison se trouvait-il à Tunis au XViii siècle?
le journal de Francisco Ximénez «Diario de Túnez»228 est connuet a été parcouru par quelques chercheurs dont Míkel de Epalza229, r.Trouvenot230, cité par García arenal, mais il n’a pas été encore transcritni édité jusqu’à ce jour. Depuis déjà bientôt deux années, nous avonsentrepris, Miguel Ángel de bunes et moi-même, sa transcription, quiest déjà prête et verra le jour au cours de l’année 2009. le journal du père Francisco Ximénez est un manuscrit que nou considérons de grande importance pour plusieurs raisons. En pre-mier lieu, il s’agit d’un document aux dimensions considérables (septvolumes totalisant 3.500 folios). Nous l’avons découvert à la biblio-thèque de la Real Academia de la Historia de Madrid. En deuxième lieu,l’intérêt de ce manuscrit porte sur les remarquables observations dupère trinitaire à propos de son séjour en Tunisie. il a séjourné pendant quinze ans dans ce pays et pendant ces années, il fut le témoin direct de multiples évènements qui se déroulèrent à Tunis et qu’il consigna scrupuleusement dans son journal.il demeura dix sept ans en afrique du nord. De 1718 à 1720 à al-ger et de 1720 à 1735 à Tunis. il fit une première tentative à alger pourfonder un hôpital à Oran, mais il échoua, car il fut soupçonné d’être un espion espagnol, il se dirigea alors vers Tunis où il réalisa son rêve. a Tunis, il eut plusieurs entretiens avec le bey et ses ministresau sujet de la construction de l’hôpital car à cette époque il n’existaità Tunis qu’une infirmerie. Un tome de son journal est dédié aux dis-cussions et aux rencontres avec le bey de Tunis et ses ministres, entre autres, Chérife Castelli, maure andalou, très fortuné et dont il affirme, à mainte reprises, qu’il l’aurait beaucoup aidé pour la construction de l’hôpital. Ximénez réussit finalement à poser la première pierre le 4 août 1722. il lui donna le nom de l’un des deux fondateurs de l’ordre des trinitaires, Saint Jean de Matha.
Ce qui a retenu notre attention en dehors de toutes les précieu- ses informations fournies par le père trinitaire est la description de la population morisque qui est arrivée en masse en 1609. Ximénez a été impressionné par la qualité de vie de ces andalous, établis en Tunisie depuis un siècle et qui continuaient à se différencier du restant de la population. En effet, Francisco Ximénez ne cesse de les décrire et de les citer. Même lorsqu’il parle de certaines personnalités et familles d’origine morisque, il insiste et ne perd pas l’occasion de rappeler leur ascendance morisque ou andalouse.
Dicen que ha llegado un pinque a Puerto Farina con una presa cargada de arroz, eslabones de acero, algunos paños y once cristianos cautivos, dicen ser napolitanos, tienen parte en esta presa el Chiaya de Túnez lla- mado Solimán Cherife Castellí o de Castilla, moro andaluz descendiente de los que fueron expedidos de España y otros tres moros ricos231.
Ximénez ne cesse de décrire les relations amicales qu’il entretient avec les descendants andalous ou morisques, à cet effet il mentionne le comportement généreux et affectif de certains qui lui manifestent leur amitié en lui remettant des présents:
Se han confesado dos enfermos en el Hospital. Hoy, un moro andaluz descendiente de los que fueron expedidos de España natural de un lugar llamado el Beja diez leguas distante de Túnez me regaló con una cesta de requesones, seis pollos, dos quesos y unos panales de miel232.
Nous allons dans notre exposé mettre l’accent sur les différents points d’intérêt relevés par Ximénez dans son journal. l’aperçu his- torique entrepris par notre auteur au début de son exposé nous per- mettra de comprendre la présence et la survie de la culture morisque un siècle après leur arrivée. Nous étudierons par la suite les lieux où s’établirent les Morisques, leurs coutumes et traditions, leurs activi- tés, leur mode particulier de vie et les différents apports culturels et économiques en Tunisie.
Suite aux différentes conquêtes entreprises par les rois espagnols, Ximénez insiste sur les différents flux migratoires qu’avait connus la Tunisie à partir des premiers moments de la reconquête. il constate que les premiers réfugiés comprenaient particulièrement des familles riches et civilisées qui se fixèrent à Tunis même, ne tardant pas à s’ini- tier à la vie sociale du pays d’accueil. le gouvernement Hafside leur confia des postes élevés dans la magistrature, dans l’enseignement et dans l’administration. C’est le cas des familles ibn Khaldun, ibn Usfur, banu Said, etc.
D’après Ximénez, sous les derniers représentants de cette dy- nastie, l’exode se poursuivit sans relâche et à chaque fois que les espagnols arrachaient une ville aux musulmans, Valence, Cordoue, Séville, le peuple déchu optait pour l’immigration vers un autre pays musulman afin de donner libre cours à sa pratique religieuse et d’échapper aux exigences politiques et économiques du pouvoir chrétien. Tous ces arrivants appartenaient, à peu d’exceptions près, à la classe opulente et aisée, pour qui les exigences matérielles du voya- ge n’existaient pas et qui, en s’expatriant, n’avaient pas à résoudre le problème angoissant du gagne-pain journalier; en outre, ils étaient accompagnés de leurs serviteurs et esclaves.
après la chute de Grenade en 1492, une vague importante d’an- dalous vint s’installer en Tunisie. Plus tard, la révocation des engage- ments chrétiens à respecter la liberté de religion, jointe à la pression croissante de l’intolérance espagnole, motiva une série ininterrompue d’émigrations. Celles-ci, qu’elles soient licites ou illicites, ouvertes ou cachées, se poursuivirent jusqu’à l’expulsion générale des Morisques vers la fin de la première décennie du XViiè siècle. Mais ce fut lors de leur expulsion générale de 1609 que les Musulmans prirent en masse le chemin de la Tunisie pour y chercher asile. En une seule année, il en vint près de quatre-vingts mille. Cette fois, leur troupe ne se présente plus en ordre, c’est le désespoir qui les pousse. ils sont tous confondus, pêle-mêle, sans distinction de classes: bourgeois, artisans, campagnards, riches et pauvres, dans un désarroi indescriptible que la hâte entretient et précipite. ils arrivèrent à la régence de Othman Dey où ils sont bien accueillis car le roi est heureux d’intégrer à sa population ces exilés savants, ingénieux et raffinés.
C’est à Tunis même que Ximénez rencontre les premiers person- nages d’origine andalouse puis morisque. Ximénez évoque au tout début de son journal un certain Jaznadar, ministre des finances, qui dit être descendant de maures andalous, chassés d’Espagne, c’est un grand homme politique et très influent auprès du bey de l’époque, Hussein ben aly, et se dit être très riche, ayant construit près de chez lui un marabout et une école233 —il faudrait ajouter que certaines per- sonnalités andalouses avaient un grand poids dans l’administration de l’Etat au début de la dynastie husseinite—. il en parle comme étant «le mécène culturel du royaume». En effet, par son héritage andalou, il se différencie du reste de la cour et était particulièrement apprécié par le bey, qui ne prenait aucune initiative sans le consulter. On sait aussi que c’est grâce à l’influence andalouse que l’administration tu- nisienne subira de grands changements. l’intérêt porté par Ximénez à ce personnage n’est pas totalement désintéressé. D’une part, Jazna- dar avait promis une aide effective à Ximénez pour la construction de l’hôpital des trinitaires pour le soin des captifs chrétiens et espagnols. D’autre part, Jaznadar, était un personnage clé pour le rachat des captifs et, étant lui-même un grand propriétaire d’esclaves, il a joué un rôle important dans les rédemptions de 1724 et 1725. Un autre personnage d’origine castillane est cité par Ximénez, il s’agit de Ché- rif Castelli, propriétaire d’esclaves et agent actif dans la course d’où émane sa fortune. C’est un personnage très connu au Maghreb et avec lequel Ximénez a négocié à maintes reprises le rachat d’escla- ves espagnols234. Ximénez s’attarde ainsi sur la description de l’élite d’origine andalouse ou Morisque pour laquelle il ressentait une pro- fonde affinité culturelle comme nous l’avons déjà mentionné précé-demment.
D’après le journal de Ximénez, Tunis était à cette époque la plus importante région de l’islam africain. Ville populeuse et cosmopo- lite, elle abritait en plus de la population de religion musulmane, une importante colonie de juifs et de chrétiens. les premiers pouvaient pratiquer leur religion moyennant un tribut annuel et s’étaient re- groupés dans un quartier qui leur était propre «la hâra». ils prenaient une large part aux activités de la ville et exerçaient des activités ar- tisanales: tailleurs, cordonniers, forgerons… le gouvernement turc leur a même confié la frappe des monnaies d’or et d’argent. les chré- tiens étaient de grands commerçants et s’employaient à l’exportation des produits de l’arrière-pays —céréales, légumineuses, huiles, lai- nes, peaux, cuirs, cire, etc.—. il y avait également une grande colonie française bien établie en Tunisie outre les esclaves chrétiens. ils pou- vaient se rendre à la messe dans la grande église de Saint antoine qui se trouvait en dehors de la ville, sans qu’il fut permis à aucun Turc d’empêcher de manière quelconque leurs offices religieux. les rues extrêmement étroites, étaient cernées par des remparts et dominées par la casbah; au-dessus de la masse des terrasses se dressaient des mosquées, des casernes de janissaires et les grands bâtiments des- tinés aux prisonniers et appelés «bagnes», endroits très fréquentés par le père Ximénez. Tunis avait également une grande importance commerciale: les marchands chrétiens pouvaient y réaliser leurs af- faires beaucoup mieux que dans n’importe quel autre endroit de bar- barie. Ce cosmopolitisme et cette tolérance n’empêchaient pas, bien que cela semble contradictoire, que Tunis fût en même temps l’un des principaux foyers corsaires, comme nous l’avons constaté ci-dessus avec l’élite andalouse.
a cette élite citadine andalouse formée de savants, de riches per- sonnages, de membres de corporation urbaine, va s’ajouter une élite morisque et que l’on va retrouver dans les anciens quartiers anda- lous: Humet-al-andalus, à proximité de Halfaouine et rue des anda- lous, Zuqaq al-andalus dans la Médina, bab Souika, Nahj Trungea, aujourd’hui parallèle à Nahj Cartagenna.
Francisco Ximénez nous parle d’une autre vague formée par les morisques expulsés d’Espagne en 1609 qu’il rencontrera au cours de son voyage à l’intérieur du pays et en compagnie du médecin français Peysonnel235. Ce voyage est passionnant pour le lecteur car Ximénez ne cesse de relever les détails des villages morisques qu’il découvre et parcourt en nous procurant des informations très intéressantes. Tout d’abord ce sont les routes du Cap bon qu’il va découvrir et il est sub- jugué par le paysage qui lui rappelle étrangement celui de l’Espagne. il est frappé par les jardins et les vergers remplis d’arbres fruitiers, les champs de vignes et d’oliviers. il a entendu dire que les vignes et les oliviers ont été plantés par les maures andalous lorsqu’ils vinrent d’Espagne et «il faut dire —nous dit-il— qu’ils ont la même forme que les vignes et les oliviers d’andalousie. Plusieurs espèces d’olives sont les mêmes que celles de Séville». il remarque ainsi que cette ré- gion du nord de la Tunisie est beaucoup plus riche et cultivée que le reste de la «berbérie». la raison c’est que «ce sont toujours les maures andalous lesquels —nous dit-il— ont gardé jusqu’à nos jours la lan- gue espagnole mais les vieux ont une meilleure prononciation que les jeunes».
il parcourt ainsi la région de Porto Farina et de bizerte et donne des détails fort intéressants sur ces deux villes et les campagnes en- vironnantes. il constate que le développement de cette région est ex- ceptionnel et est dû à l’apport des morisques. il ajoute qu’«à bizerte, il y a beaucoup de jardins avec des variétés d’arbres fruitiers et des vergers. la majorité des habitants sont des maures expulsés d’Espa- gne. il y a plus de 4.000 habitants, 3 châteaux: un au bord de la mer et les deux autres en dehors de la ville». il décrit sur son passage Porto Farina, «c’est un grand port —dit-il— où a lieu le débarquement des captifs», et ajoute que «toute cette région est connue par la beauté du paysage. région transformée par le savoir faire des andalous expul- sés d’Espagne».
Ximénez fait souvent allusion à l’andalousie car il a l’impression de parcourir, dans les villes, les rues de Séville ou de Grenade. Dans les campagnes, il constate qu’on y trouve toutes sortes de cultures: beaucoup d’arbres fruitiers (orangers, citronniers, figuiers, oliviers,poiriers, grenadiers, etc.) et blé, avoine, seigle, coton… Sur son che-min il a croisé beaucoup de captifs espagnols qui travaillaient dansles champs236. remarque fort importante, étant donné que Ximénez revient sans cesse sur le sort réservé aux captifs non rachetés par les pères rédempteurs et qui faisaient ainsi partie du butin ramené lors des prises par les corsaires. Certains étaient destinés à être rachetés et d’autres esclaves rattachés au travail de la terre. il remarque le développement exceptionnel de l’agriculture dans cette région ainsi que les méthodes d’irrigation. il constate comme tous voyageurs européens le développement des cultures: maraîchè-res, arboriculture, viticulture et sériciculture.
Ensuite il fait une description de El-alia, village andalou de 250 maisons qui se trouve sur la route de bizerte, construit par les mo-risques en 1613237. la majorité des habitants sont agriculteurs et le village est entièrement construit à la manière morisque. les habitantsde ce village vivent en retrait de la société et ne permettent pas aux turcs, renégats et aux gens de couleur d’y habiter car ils sont très fiers de la couleur blanche de leur peau238. il passe par Metlin, un village également andalou. il décrit la ville de Zagouan, ville andalouse, en- tièrement construite par les morisques expulsés d’Espagne en 1611,ayant 1.000 habitants dont la majorité serait d’origine espagnole; il y a également quelques arabes, nous dit-il. il évoque également une ville située en hauteur et contournée par des ruisseaux où il y a une mosquée, dix marabouts et une zaouia: Sidi ali asief.239
la description de Tebourba est un peu plus détaillée. il insiste sur des motifs qui lui rappellent l’andalousie, il met l’accent sur les traits particuliers de ses habitants qui sont différents de la majorité des ha- bitants de la Tunisie de l’époque; village andalou fondé par les mo- risques expulsés d’Espagne en 1611, on y trouve 800 habitants, quatre mosquées, cinq marabouts et une zaouia; toute la ville serait ainsi construite selon le modèle espagnol. les habitants vivent encore à la manière espagnole. la plupart maîtrisent et font usage de la langue espagnole. Ximénez confirme encore une fois l’impression qu’il a de se retrouver en terre d’Espagne. les habitants de Tébourba parlaient l’Espagnol et avaient crée des écoles dans le but de préserver l’usage de la langue espagnole. Mais le bey ordonna, par souci religieux, que les écoles fussent fermées et remplacées par des écoles coraniques. En outre, on leur confisqua tous les livres rédigés en espagnol qu’ils avaient ramenés avec eux lors de leur migration240.
España con tejados. Me parece que estando allí estaba en una población de España. No se encuentra edificio ninguno. Sólo por las calles se en- cuentran algunos. Entramos en Tuborba y nos alojamos en un funduco que es como un mesón donde se alojan los forasteros. Allí nos envió luego el cheikh comida para nosotros y diciéndonos que pidiésemos lo que habíamos menester. Después de haber comido, pasamos a reconocer la ciudad la cual está situada en una suave colina casi ésta parece ser la Tuborbo Mayus de los antiguos... hacia la parte entre el norte y le- vante está el río Macherda. Está cerrada de débiles murallas y habitada la mayor de moros andaluces que fueron expelidos de España los cuales la reedificaron por los años de 1611. De las ruinas que allí había, encon- tramos algunos que han conservado la lengua española. Tiene cuatro mezquitas que no son cosa sobresaliente cinco marabutos y una zaouía que está dependiente de la zaouía de Ali Asús del Zaguán y el morabuto de allí tiene un administrador que la asiste y en ella dan de comer a los peregrinos... Las casas están fabricadas a la manera de pedazos de columnas pedestales y capiteles que eran de las ruinas antiguas. Tiene éste cerca de 800 vecinos; la mayor parte andaluces y los demás árabes que se han introducido con ellos por lo cual los más han perdido la lengua española. Al principio que éstos vinieron de España tenían escuelas en nuestra lengua. Diéronles en mudéjar que no eran verdaderos moros
y un Bey les quitó los libros y esas escuelas y desde entonces fueron olvidando la lengua española y aprendiendo la árabe. Todos los viernes, tienen mercado y acuden a comprar y vender de los Aduares y lugares vecinos, y en alguna manera se gobiernan al modo de España.
De esta ciudad de Tuborba salimos poco menos de medio y vimos que a la parte del río Macherada tienen jardines de árboles frutales y huertas. Hay algunas viñas y en pasando el puente se hallan algunos olivares que llevan aceitunas muy buenas para comer y para aceite241.
Ce qui est curieux dans la description de Tébourba par Ximénez, c’est l’usage de la langue espagnole, persistant encore en 1724, et la construction d’écoles suite à leur arrivée où l’enseignement se faisait en langue espagnole. Dans certains procès morisques, concer- nant ceux qui étaient retournés après l’expulsion, j’ai moi-même retrouvé plusieurs cas où le morisque confesse devant l’inquisition d’avoir été converti de force à l’islam. la plupart de ces morisques convertis à l’islam évoquent les écoles coraniques instaurées pour eux et auxquelles ils étaient obligés d’y assister.
Ximénez note que le reste du territoire présentait de grandes zo- nes déshabitées. Des ruines de maisons et de magnifiques ouvrages de construction évoquant les temps de la puissance et de la splendeur de rome et de Carthage. a la nouvelle de l’expulsion des Morisques hors d’Espagne, le Dey Utman, qui gouvernait alors la régence de Tunis, conçut sans doute le projet d’un repeuplement du territoire, profitant ainsi de l’occasion qui lui était offerte.
Está toda la Berbería muy despoblada y a cada paso se encuentran ciudades arruinadas, templos deshechos, inscripciones columnas y otras cosas maravillosas especialmente pasando el Caruán y hacia la parte de Constantina.
il fait une description de Grombalia, et là aussi à son époque on parle encore l’espagnol dans cette région:
La Gurumballa será un lugar de 30 casas habitadas de moros alarbes. Sólo encontré una mujer anciana que me habló en lengua española y me dijo ser hija de padres que habían venido de España, pero que ella había nacido en esta tierra. La principal casa es casa de Mahamet Bey la cual hizo el Xieque Mostafa un moro rico de los que vinieron de España. éste plantó allí un olivar que tendrá más de 30 mil olivas y entre las olivas y almendras hizo venir el agua de las montañas cercanas tenía más de 300 esclavos negros y cristianos. Plantó viñas y otras heredades. La casa tiene dos jardines y muy buenas fuentes con un estaño de agua. Este moro era tan poderoso que los Deyes de Túnez dándoles celos le inten- taron quitar la vida. Llegó a saberlo y se huyó a Constantinopla. Allí le dieron algunos honores. Vivió algún tiempo en el Cairo y después se vino a Bona donde empezó a plantar olivas y viñas como había hecho en la Gurumballa hasta que allí le cogió la muerte242.
De partout, Ximénez fait la même constatation que le pays est imprégné du savoir faire morisque. Soliman est également un village morisque et il le décrit en ces termes:
Este lugar está situado en una llanura, una legua distante del mar o ba- hía de la Goleta. Está circundado de unas débiles murallas de tierra con ocho puertas. Tiene seis mezquitas, novecientas casas, una zauíya y al- gunos morabutos y está en forma casi ovalada. Las casas son medianas, algunas de ellas con tejados a la manera de España y las más con terrados según el uso de Túnez. Cada una tiene el patio enladrillado o enlosado y un pozo para el servicio de la casa. Sus aposentos en bajo para dormir y otras oficinas. Las calles son medianas y una plaza pequeña donde se hace el mercado todos los viernes y allí hay una casa de café donde van los moros a divertirse porque no tienen otro divertimiento y se reduce a tomar allí café, fumar y tocar algunos instrumentos. Este lugar fue ree- dificado sobre las ruinas de otra población antigua que corresponde a la Casula de los antiguos por los moros andaluces que fueron expedidos de España de orden de Felipe 3 año 1610. Está al presente habitado de 300 familias de moros andaluces y tagarinos y 600 de alarbes. El gobierno de la justicia es precisamente de los andaluces y se reduce a un Gobernador o Xieque a tres jurados y tres aguaciles. El primero es elegido por voz de todos los moros que descienden de la nación española y es perpetuo, sino es que el pueblo reclame y quiera hacer otro; los jurados se eligen cada año por diez o doce personas las más principales de los moros españoles y lo mismo los aguaciles. Aquéllos sirven de ejecutar las órdenes que les da el Xieque como los tenientes de justicia y los aguaciles para ejecutar las cosas más bajas y para ejecutar los castigos que ordena la justicia. Desde que hicieron esta población pactaron con Usmán Bey el ser exentos de tributos menos el diezmo de los frutos, y de algunos años, a esta parte pagan alguna cosa de las tiendas y puestos públicos donde se vende. Los alarbes que viven allí pagan la Garrama al Bey y para cobrarla no tiene que intervenir la justicia de los andaluces sino un ministro de ellos que pone el Bey, que no tiene más autoridad que para cobrar restos de tribu- tos, porque todos están sujetos a la justicia de los andaluces243.
Un autre village morisque décrit par Ximénez et fondé également par les Morisques et dont notre auteur donne une ample description, Teboursuc:
Pasamos adelante por el mismo rumbo y llegamos a una ciudad antigua arruinada llamada ahora Tubursoc. Estaba situada en bajo, circundada de montañas por todas partes menos la entrada244.
Ximénez est impressionné et subjugué par l’hospitalité des gens et en particulier par celle des descendants andalous ou morisques. il ne fait pas de différence entre andalous et morisques, les deux termes sont employés pour désigner les mêmes personnes surtout dans les régions fondées par les morisques expulsés par PhilippeIII.
il cite Grech El Oued, village fondé par les Morisques catalans, dit-il, mais ce village se trouve actuellement en ruine, seulement 50 familles y habitent.
Después, partimos de aquí y llegamos al lugar de los catalanes que lla- man Grese Luat el cual tendrá cien vecinos muchas casas deshabitadas y caídas por haberlas dejado cuando el Cherif mandó que se retirasen sus moradores a Túnez. Habitanle algunos moros descendientes de los cata- lanes que fueron expedidos de España en tiempo de Felipe III245.
il revient sur la description de Testour en précisant que toute la ville est construite de pierres romaines et que tous les habitants sont d’origine espagnole:
Después de haber registrado estas inscripciones, mirado el lugar y co- mido partimos pasadas las tres de la tarde y dejamos a la mano izquierda un lugarcito llamado la Seluquía también de andaluces y llegamos a Tex- tor una hora después de haber anochecido. Nos recibió el Xieque o Go- bernador llamado Achí Amed Eriza andaluz benignamente y nos alojó en una casita que está en la plaza. Enviándonos de cenar y cebada para la mula(s). Nos fueron luego a visitar algunos moros andaluces muy cortésmente y así se pasó este día 21 de julio y para entrar en el lugar volvimos a pasar el río Macherda246.
Plus loin dans le manuscrit, Ximénez parle du gouvernement et de l’administration dans ces villages. il insiste et précise que les es- pagnols dans ces régions fondées par eux exercent une politique qui leur est propre et identique à l’organisation administrative espagnole. les noms utilisés sont espagnols ainsi que leur fonction dans le do- maine juridique. D’autre part, ils sont exempts d’impôt depuis l’ac- cord convenu avec Othman bey qui leur a accordé ce privilège afin de leur faciliter une certaine intégration dans son pays. Par contre ils continuent à payer des impôts sur la production agricole annuelle, le dixième, et d’autres impôts sur certains métiers et commerce.
El gobierno de la justicia es precisamente de los andaluces y se reduce a un Gobernador, un Xieque a tres jurados y tres aguaciles. El primero es elegido por vez de todos los moros que descienden de la nación española y es perpetuo, si no es que el pueblo reclame y quiera hacer otro, los jurados se eligen cada año por diez o doce personas, las más principales de los moros españoles, y lo mismo los aguaciles. Aquéllos sirven de ejecutar las órdenes que les da el Xieque, como los tenientes de justicia y los aguaciles para ejecutar las cosas más bajas y para ejecutar los castigos que ordena la justicia. Desde que hicieron esta población, pactaron con Usmán Bey el ser exentos de tributos, menos el diezmo de los frutos. Y de algunos años, a esta parte pagan alguna cosa de las tiendas y puestos públicos donde se vende. Los alarbes que viven allí pagan la Garrama al Bey y para cobrarla no tiene que intervenir la justicia de los andaluces sino un ministro de ellos que pone el Bey que no tiene más autoridad que para cobrar restos tributos porque todos están sujetos a la justicia de los andaluces.
Ximénez insiste sur la différence physionomique qui persiste en- core à son époque. il dit que les espagnols ont la peau plus blanche que celle des arabes, mieux constitués physiquement et sont nette- ment plus raffinés dans leur façon de vivre. leurs coutumes et tradi- tions sont différentes et ils sont nettement plus élégants que les ara- bes et les bédouins de la région.
Los moros andaluces se diferencian de los alarbes beduinos en el color, en las perfecciones del cuerpo, en el trato y en las costumbres. Los andalu- ces son más blancos, más bien formados y gruesos, en nada semejantes a los españoles, más curiosos y más bien vestidos, costumbres que trajeron de España.
Ximénez évoque, à partir d’un livre en langue espagnole qu’il a trouvé à Testour, l’importance de l’apparat des femmes morisques, en précisant qu’elles portaient plus d’or qu’il n’y en avait dans les boutiques les plus cotées du pays d’accueil et que d’autres portaient de somptueux vêtements que les reines de ce pays n’avaient jamais connus avant leur arrivée.
...hablando de los adornos de las mujeres pues cada una lleva más oro que otros tienen de caudal en las tiendas más ricas y es de suerte que las más mínimas se adornan con cosas que las reinas de esta tierra no llevaban antes de nuestra venida.
D’autre part, la ville de Testour ne cesse de le surprendre. Tout d’abord c’est le paysage de Grenade qu’il retrouve, la ville elle-même a été construite sur le modèle de Grenade, il retrouve un quartier ap- pelé l’alhambra, au milieu de la ville, ils avaient construit une grande place carrée où ils avaient introduit une coutume espagnole: la fête de la corrida comme en Espagne, dit-il. la ville avait 800 maisons et toutes construites de tuiles rouges à la manière espagnole et au milieu on retrouvait le patio espagnol avec quelques exceptions dans la posi- tion des balcons et fenêtres. les vieux parlent encore un bon espagnol mais l’immigration arabe dans cette région a changé progressivement les vieilles traditions espagnoles et les mariages mixtes entre moris- ques et arabes ont été à l’origine de la perte de l’usage de la langue espagnole que les Morisques avaient essayé de garder pendant plus d’un siècle.
Este lugar está situado en una llanura cerca del río Macherda. Lo fun- daron los moros andaluces que vinieron de España sobre las ruinas de otro lugar más antiguo cuyo nombre ignoro, llámase Textor que en lengua árabe quiere decir licencia. No sé si los andaluces le dieron este nombre para la licencia que obtuvieron para fundar aquel lugar. Quisieron imitar a Granada en su fundación y a un barrio le llaman Alhambra y otros nom- bres como en Granada. La plaza es cuadrada en medio del lugar donde los moros que la fundaron tenían fiestas de toros a la manera de España. Ten- drá 800 casas todas con tejados y patios en la misma forma que en España. Algunas de ellas tienen balcones y ventanas contra el estilo morisco. Hay seis cheimas o mezquitas, nueve morabús, una zayuía. No tienen fuente y para beber traen el agua del río. En una mezquita hay una buena cisterna donde dan agua a los pobres y (forasteros) y nos la daban a nosotros. El gobierno es de moros andaluces. Tienen un Xieque a quien los mismos mo- ros en español llaman Gobernadores, Regidores y un Aguacil a la manera de España. Hay muchos de estos moros andaluces tagarinos y aragoneses, pero mayor es el de los árabes que se han introducido después a vivir en él, y ya en el estado presente se han mezclado las familias españolas con las árabes por medio de los casamientos y los hijos; por esto van perdiendo la lengua española, sólo la hablan bien y vulgarmente los moros viejos anda- luces. Todas las noches, que estuve en este lugar me enviaban a llamar los Señores de Justicia y me hacían sentar en la calle a coger el fresco en una estera que tendían a este fin con algún colchoncillo y de esta suerte estába- mos parlando largamente en español. Referían muchos romances antiguos de Calahinos, de los Infantes de Lara, de los moros de Granada; decían cosas y cosas que son los enemigos que acostumbran los españoles en las conversaciones de suerte que me parecía que estaba en un lugar de Es- paña porque el Gobernador llamado Al Aguacil y a los regidores como se hace en España tiene muy linda huerta en los contornos de buenas frutas como son peras, ciruelas, membrillos, granadas, drunaznos, albaricoques, uvas y otras. Buenos melones e higos que era lo que más ahora abundaba. Mírase desde el río una grande vega rodeada por todas partes de montañas que cogen el lugar en medio247
Dans plusieurs villages les mets mentionnés par Ximénez au XViiè siècle continuent d’être d’usage aujourd’hui dans certains villages andalous comme la olla espagnole. a Testour, il existe encore un plat morisque, kisâlech, plat spécial qui comporte des escalopes roulées avec des œufs battus et du fromage, le banâdig (alpanada), pâte farcie de viande et cuite au four, le masapan, kaak, etc. Mais la plupart des mets d’origine morisque on les retrouve dans les grandes manifestations traditionnelles: mariage, enterrement, circoncision, etc.
Un des mets les plus importants est le sfenz, sorte de beignets pré- parés de manière différente des beignets du reste de la Tunisie. ils sont servis chauds dans de grands récipients en cuivre étamé ayant la forme de coupe et accompagnés de bols contenant du miel. Marqa hluwa, sorte de ragoût pas très épicé mais sucré, contenant de la viande, des marrons, des raisins secs, pois chiches, et des abricots ou des coins assaisonnés de poivre noir moulu, de safran et de cannelle pulvérisée.
D’autres mets préparés par les femmes à la maison, les pâtes, sorte de macaroni appelé makrona ou maqrunet el abari, c’est-à-dire, «macaroni des aiguilles», parce que, pour les faire, on enroule la pâte autour d’une aiguille de fer longue et fine. Ce pourrait être d’ailleurs l’origine des vermicelles.
Plus réputées encore pour leur origine andalouse, sont les pâtes farcies comme les mzeme et le banadej. On raconte même qu’au mo- ment où les riches «andalous» quittèrent l’Espagne, ils faisaient farcir des mzemes, non pas de hachis de viande, mais d’or ou de pierres pré- cieuses pour remporter ainsi une partie de la fortune qu’ils n’étaient pas autorisés à sortir avec eux. la liste pourrait être longue.
ainsi les recettes culinaires d’origine andalouse se sont répandues surtout chez les populations qui ont directement connu l’émigration des andalous. En dehors de ce périmètre, leur influence ne semble avoir affecté que des milieux citadins. Ceci tient aux caractéristiques bien spécifiques de cette cuisine, comme la couleur jaunâtre due au safran et à l’absence quasi-totale de certains condiments fort utilisés par l’ensemble des tunisiens, notamment dans les milieux ruraux. il est à remarquer également que le goût bien particulier dû au fromage et au smen et qui demeure un des caractères essentiels des recettes culinaires d’origine andalouse, est loin d’être apprécié par les popu- lations du Sahel peu habituées à l’usage des produits laitiers.
Nous savons que pendant la seconde moitié du XViè siècle, une trentaine d’année peut-être avant l’expulsion, les hommes portent la toque à créneaux, la cape jetée sur les épaules et ne dépassant pas les jarrets, la veste ouverte par devant et serrée par une ceinture où pend l’escarcelle, des pantalons bouffant au niveau du genou qui ne semble pas différer de ceux des bourgeois d’Espagne ou de Flandre. les femmes, plus conservatrices, sortaient avec le voile et leurs pan- talons se prolongeaient par des espèces de houseaux qui descendent en petits plis jusqu’aux pieds, comme on en voit encore aujourd’hui dans certaines villes d’origine andalouse comme Testour, El alia, ou Kalaat al-andalus. Tel était l’accoutrement des Morisques lorsqu’ils arrivèrent en Tunisie. le voyageur Ximénez signale lors de sa visite à Soliman que les femmes morisques portaient souvent des costumes d’une grande élégance et que, dans les vêtements féminins, les tis- sus d’or n’étaient pas rares. ils étaient luxueux dans leur ajustement. aujourd’hui encore dans quelques villages andalous, et en particu- lier à Kalaat al-andalus, les femmes morisques continuent à porter le voile à la manière morisque, malheureusement pas pour longtemps, car le voile portée par une minorité tunisienne a revêtu un autre as- pect de nos jours. aujourd’hui l’habit morisque est portée par une minorité de femmes d’un certain âge et appelé à disparaître. Pendant les fêtes du village, les hommes continuent de porter l’habit moris- que, que je viens de décrire. C’est impressionnant de les voir encore habillés de la sorte.
Dans les villages andalous, Kalaat al-andalus ou Soliman, on continue à célébrer le mariage comme il se faisait en Espagne avant l’expulsion. Ximénez parle longuement d’une cérémonie de mariage à Testour. la fête dure trois jours et, pendant ces trois jours, on danse, on chante, on joue des instruments de musique. la première fête a lieu chez le futur marié. la dernière consiste à ramener la fiancée accompagnée de musique et de chandelles à la maison du marié où a lieu la fête.
Son estos moros más civiles y corteses que los árabes. Su modo de comer es a la manera de los españoles con poca diferencia. En el tiempo que estaba en este lugar se celebraba una boda de unos andaluces. Tres días tuvieron de fiesta con instrumentos. Antes de celebrarse el matrimonio en casa del novio, y la última, fueron todos los de esta nación a la casa de la novia para llevarla a la casa del novio con velas encendidas y un canto particular que estilan cantar en el camino diverso de los alarbes y dejando las ceremonias que son de la ley y comunes a unos y a otros. Lo particular que ejecutan y que si estila en algunos lugares de España es que todos los de esta nación casados y solteros dan alguna dativa o dinero al novio y lo mismo hacen las casadas y doncellas a la novia con que juntan un caudal muy bueno para poder empezar a buscar la vida y engeñarse para grangear alguna cosa y él va dando las mismas porciones que le han dado cuando los otros se van casando. Hacen gastos bastante grandes en estos matrimonios porque convidan y asisten a la boda todos los de la nación y por el dote y regalos se hacen a los parientes de unos y otros de suerte que al novio le suele costar quinientos y seiscientos pesos todo el gasto. Son estos moros andaluces más dados al trabajo y al cultivo de la campaña que los alarbes como se ve en los jardines, huertas, olivares y viñas que tienen en el contorno del lugar que todos están muy bien labrados que cultiban con mulas, caballos y bueyes. Usan de carros como en España. Los olivares y viñas están plantados con orden geomé- trica con sus linos y buen orden para poder cultivarlos. El agua que es de pozo porque no hay fuente ni río es muy buena y apreciada según expe- rimenta. Tienen mil pesos de renta que han dejado algunos poderosos de los andaluces para hacer limosnas a los pobres y se reparte con fidelidad entre las viudas, huerfanos, pobres vergonzantes y viejos impedidos. En los entierros, se diferencian poco de los demás moros248.
Ximénez ne rate pas l’occasion d’insister sur les différents ap- ports techniques des Morisques. D’après lui, les industries textiles qui sont concentrées dans certains quartiers de la Médina de Tunis et des banlieues emploient une nombreuse main-d’œuvre. On file et on tisse la laine, mais aussi le coton, le lin et la soie. aux tisserands s’ajoutent des teinturiers qui occupent déjà, sans doute, le vieux souk des teinturiers, dont l’emplacement a été dicté par l’existence d’un puits fournissant en abondance une eau excellente, ainsi que des ar- tisans spécialisés dans la confection des vêtements d’homme et de femme. Mais l’industrie de la chéchia est de loin la plus importante et celle qui emploie la main-d’œuvre la plus nombreuse. la fabrication des bonnets de laine, introduite par les Morisques chassés d’Espagne au début du XViiè siècle, comporte un ensemble d’opérations, faisant appel à des travailleurs spécialisés, en plus d’un lieu: tricotage des bonnets de laine à domicile par des femmes de la banlieue de Tunis, foulage des bonnets au moulin d’al-batâm près de Djeida, cardage des bonnets blancs dans les ateliers des souks de Tunis, teinture des bonnets à la cochenille dans la ville de Zaghouan, cardage des bon- nets rouges dans les ateliers des souks de Tunis, où l’on procède à leur finissage. Sa production est, pour une part, apportée dans les pays du Proche Orient où les bonnets de Tunis sont très appréciés. Ximénez donne également un chiffre sur la production et sur le nombre d’em- ployés, je ne dirai pas plus sur les industries décrites par Ximénez et qui pourraient être d’un grand apport historique sur une période peu connue dans l’histoire de la Tunisie. il cite d’autres industries textiles qui sont concentrées dans certains quartiers de la Médina de Tunis et des banlieues et qui emploient une nombreuse main d’œuvre. il cite d’autres industries comme l’industrie du cuir, les peaux de bovins et de caprins qui ne sont pas exportés à l’état brut et sont tannées dans les tanneries de Tunis. il mentionne également le travail du fer, etc.
Une grande partie du journal est consacrée à la course. D’après Ximénez la course continue à être très active et le nombre de cap- tifs est très élevé. il cite l’élite morisque qui participe amplement à la course, comme les Castalli et les Khaznadar que nous avons cité au début de notre exposé. Ce manuscrit invite à une étude statistique des captifs, toutes nationalités confondues. Ximénez distingue deux types de courses, privée ou publique, c’est-à-dire, celle qui relève du bey ou de la régence et celle qui relève d’un certain nombre d’arma- teurs privés. D’après Ximénez, la course tunisienne au XViiiè siècle bénéficie nettement au bey qui se fait construire plusieurs grandes
embarcations destinées à la course. Un tome de plus de cinq cents folios est consacré à la course où nous retrouvons les différents cor- saires du beylik et les corsaires privés qui, selon lui, chaque année partent en croisière pour prendre en chasse les navires de commerce des puissances ennemies ou pour opérer des descentes sur les côtes des divers Etats de la Péninsule et ramener de leurs courses navires, marchandises et captifs. il s’attarde sur quelques régions du nord du pays où abondent les bagnes et les captifs, les rédempteurs, etc.
l’activité culturelle est également très développée d’après Ximé- nez. la grande Mosquée de Tunis n’est pas seulement un lieu de priè- res où sont célébrés avec le plus grand éclat les offices du vendredi et des solennités de l’année liturgique, c’est aussi une université dans laquelle enseigne les maîtres versés dans les diverses branches du savoir. il souligne également un nombre élevé de collèges. D’après lui, l’enseignement dispensé dans les medersas et à la Grande Mos- quée portait sur un petit nombre de disciplines. il visait à donner une bonne connaissance de la langue arabe et de la religion musulmane par l’étude de l’exégèse coranique (tafsir), des traditions prophétiques (hadith), de la théologie (kalam), des fondements de la religion (usul al din), du droit par l’étude de la jurisprudence (figh) et des fonde- ments du droit (usul al fiqh). Cet enseignement permettait à ceux qui l’avaient reçu d’exercer les professions de maître d’école (muaddib) de lecteur du Coran, d’avocat ou de juge.
En conclusion, le XViiiè siècle n’est qu’une continuité de 1609 et le témoignage de Ximénez ne peut que confirmer la présence morisque en Tunisie. En effet, cet apport de gens immigrés malgré eux et par la force a métamorphosé profondément la société tunisienne de l’époque.
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Notes:
228 XiMÉNEZ, Francisco, Diario de Túnez, E. 196 (1720-1722), E. 197 (1722-1723), E. 198 (1724-1726), E. 199 (1727-1735), chaque tome est assez volumineux. Pour la transcription du texte de Ximénez nous avons estimé pour une meilleure compréhension de moderniser dans une certaine mesure l’orthographe.
229 DE EPalZa, Míkel, «Nouveaux documents sur les andalous en Tunisie au début du XViiiè siècle», Etudes sur les Morisques andalous, institut National d’archéologie et d’art, Tunis, 1983, p. 57.
230 TrOUVENOT, r., «Notes d’un espagnol sur un voyage qu’il fit en Tunisie 1724», Revue Tuni- sienne, Tunis, pp. 35-36, 1938. riCarT, r., “Dos puntos de la Colonia Trinitaria de Túnez de Fray
231 XiMÉNEZ, Diario de Túnez, E. 196 (1720), folio 24.
232 XiMÉNEZ, Diario de Túnez, E. 198 (1724), folio 29.
233 XiMÉNEZ, Diario de Túnez, E. 197, f 2v, (2 mars 1722).
234 XiMÉNEZ, Diario de Túnez, E. 199, f 194r –v, (27 février 1730).
235 il est curieux de constater que les descriptions faites par Peyssonnel coïncident la plupart du temps avec celles de Ximénez, en particulier dans la description des morisques. Concernant l’ha- billement des femmes notre auteur dit: «leur habillement est fort simple: une pièce d’étoffe de laine qu’ils appellent sufficieli, ayant quatre aunes de longueur sur une large, fait tout leur vêtement et leur tient lieu de bas, de culotte, de chemise, de veste et de bonnet. ils en attachent un bout sous le bras gauche, le font tomber jusqu’aux pieds, remonter sur le côté droit et passer sur la tête». PEYS- SONEl, Jean andré, Voyage dans la régence de Tunis, (1724), ed. Centre de Publication Universitaire, édition annotée par Mohammed larbi Snoussi, Tunis, 2004, p. 131.
236 XiMÉNEZ, Diario de Túnez, E. 198, (1724), folio 143.
237 XiMÉNEZ, Diario de Túnez, E. 198, (1724), folio 223.
238 XiMÉNEZ, Diario de Túnez, E. 198, (25 mars 1725), folio 242v.
239 XiMÉNEZ, Diario de Túnez, E. 198, (1724), folio 65-69.
240 Idem, E. 198, (1724), folio 75-76.
241 Idem, E. 198, (1724), folio 75.
242 XiMÉNEZ, Diario de Túnez, E. 198, (octubre 1724), folio 120.
243 XiMÉNEZ, Diario de Túnez, E. 198, (1724), folio 118-119.
244 XiMÉNEZ, Diario de Túnez, E. 198, (1724), folio 121.
245 XiMÉNEZ, Diario de Túnez, E. 198, (29 de julio de 1924), folio 111.
246 Idem, folio 111.
247 XiMÉNEZ, Diario de Túnez, (1724), folio 111.
248 XiMÉNEZ, Diario de Túnez, E. 198, (1724), folio 118-119.
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Fuente: Cartas de la Goleta, Tunez, Abril, 2009
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