Les études qu’on va lire reprennent l’essentiel de notre contribution à la connaissance de la dernière société musulmane d’Espagne, brusquement évincée des territoires du roi catholique en 1609. Les références bibliographiques contenues dans chaque étude ont été actualisées et de nouvelles données d’archives incorporées dans plusieurs articles. Mais pour ce qui est du fond, des points de vue défendus et des phénomènes décrits, nous n’avons pas eu à modifier quoi que ce soit, car rien n’est venu contredire ce que nous avons avancé jadis. Il faut savoir que les études sur les morisques, riches et foisonnantes voici un quart de siècle, connaissent depuis la fin des années 1980 une curieuse désaffection, certainement liée à celle dont ont aussi été victimes les études inquisitoriales. C’est précisément ces sources que nous avons mises à contribution de façon préférentielle dans nos recherches et tout, jusqu’à aujourd’hui, concourt à nous persuader que c’était un excellent terrain d’observation. Nous avons étendu notre champ d’observation à huit tribunaux du Saint-Office correspondant à des géographies, à des réalités morisques sans doute différentes, ainsi qu’à des pratiques inquisitoriales différemment conditionnées : les tribunaux castillans, représentés pour nous par ceux de Cuenca et de Murcie, les tribunaux de la Couronne d’Aragon — principalement Valence, mais aussi Saragosse — et les tribunaux insulaires — Canaries, Baléares, Sardaigne et Sicile. Les populations étudiées sont loin de présenter une parfaite homogénéité, c’est pourquoi nous avons introduit plusieurs lignes de démarcation, à l’importance qualitative considérable : pour la Castille, entre les communautés morisques traditionnelles et les nouveaux-venus, déportés du royaume de Grenade ; pour les îles, entre les musulmans convertis de force au christianisme après être devenus des esclaves, les chrétiens d’origine ayant renié en pays musulman, et les morisques proprement dits, originaires, par la force des choses, de la péninsule. Toutes les catégories de victimes que nous venons de distinguer appartiennent à l’histoire d’une même persécution, celle du mahométisme. Si donc nous les avons séparées, c’est bien parce que le seul point de vue de la répression ne saurait nous satisfaire. Par-delà les archives judiciaires et les conflits religieux qu’elles illustrent, nous avons voulu saisir toute une culture dans sa positivité, celle des minorités exclues, telle qu’elle était parvenue à survivre encore au début du XVIIe siècle et telle que les vieux-chrétiens se refusaient à la voir. C’est le principal intérêt de ce livre.
2005, 16 × 24 cm, épuisé, 412 p., dos carré collé, ISBN 2-84269-670-0. Coll. « Espagne médiévale et moderne », ISSN 1626-2115.
Source: http://www.pulm.fr
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