Les lumières prophétiques, ouvrage rédigé par Mohammad Ibn Abd-al-Rafi al-Andalusi, immigrant morisque originaire de Murcie, qui s’est installé à Tunis vers 1597 pour s’éteindre dans la même ville en 1643, est une généalogie laudative achevée en 1635, consacrée à la personne du prophète, à sa descendance, à ses compagnons et à leur origines tribales arabes.
édifiante pour connaître les péripéties de l’expulsion des morisques et les conditions de leur exil et de leur installation à Tunis dans les premières décades du xviie siècle, la conclusion de cette œuvre exprime aussi une acception intéressante de l’identité andalouse, étouffée par les agissements de l’institution inquisitoriale espagnole et farouchement défendue contre le comportement malencontreux et les propos insidieux proférés contre cette communauté musulmane par une population autochtone tunisoise morisco-sceptique. C’est incontestablement cette dernière dimension qui explique notre retour sur une partie du contenu d’une œuvre remarquée et utilisée par plusieurs travaux de recherche philologiques, historiques et anthropologiques.
Lotfi Aïssa
Cette recherche se propose d’effectuer un retour sur un texte établi et annoté depuis trois décades au moins. Il s’agit de la conclusion des Anuwwâr an-nabawiya… (Lumières prophétiques…) du généalogiste Muhammad Ibn Abd-al-Rafi al-Andalousi. Ce texte a déjà bénéficié d’une édition critique effectuée par Abdelmajid Turki, publiée depuis 1967 dans les Annales de l’université tunisienne1. Des extraits de ce texte ont été également traduits en français par le regretté Miguel de Epalza et édités dans un ouvrage consacré à l’histoire de la présence des morisques andalous en Tunisie, publié au début des années 19702.
Peu d’informations nous sont parvenues sur la vie de ce personnage, en dehors de ce que nous savons déjà sur lui grâce à son œuvre généalogique. Chérif andalous, mort à Tunis en 1643, dont la famille a préféré aux alentours de 1597 quitter sa Murcie natale3, l’auteur de ce texte s’est installé définitivement dans la régence de Tunis, où il fut l’un des représentants les plus en vue des lettrés appartenant à la communauté andalouse.
Le récit hagiographique consacré au saint tunisien Abou al-Ghayth al-Qashshash (mort en 1622), figure emblématique du soufisme tunisois entre le dernier quart du xvie siècle et le premier quart du xviie siècle, contient quelques informations sur les péripéties du vécu tunisois de l’auteur4. Fin lettré de la première moitié du xviie siècle, Ibn Abd-al-Rafi s’est attelé à rédiger en arabe littéraire, et dans un style châtié, peu commun à son milieu d’origine, une œuvre imitant dans son genre deux grands ouvrages écrits consécutivement au xvie et au début du xviie siècle, portant tous les deux le titre de Tanbih al-anâm fi fadhli as-salati ala khayri al-anâm… (Mise en garde des musulmans sur les bienfaits des prières consacrées à la plus excellente des créatures, c’est-à-dire le prophète Mahomet), et écrits par Abd-al-Ghalib Ibn Adhdhûm al-Misri, polygraphe égyptien décédé vers 1563, et probablement repris par Jamal-Eddine al-Musrati, savant kairouanais (mort en 1654).
Véritable littérature consacrée à chanter les louanges du prophète, cette écriture a fait genre dans les milieux des lettrés musulmans sunnites. Ibn Abd-al-Rafi allait probablement se familiariser avec ce genre littéraire après son installation définitive à Tunis. Le texte hagiographique consacré à celui qu’il ne dédaigne pas de présenter comme son propre professeur5, prouve qu’il a étudié au sein de la zaouïa de son maître Qashshash à Tunis et sous son égide.
Ibn Abd-al-Rafi compilera somme toute un peu moins d’une centaine de feuillets pour prouver son engouement pour ce genre de littérature. À notre grand bonheur d’historien, il y réserva les tout derniers feuillets de son œuvre manuscrite, consignée à la Bibliothèque nationale de Tunis (18 feuillets en tout), pour évoquer les problèmes inhérents à l’installation dans plusieurs régions de la Régence de Tunis des morisques expulsés de la péninsule Ibérique entre 1609 et 1614.
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Nous nous proposons donc d’effectuer un retour sur le contenu de la conclusion de cette œuvre, rédigée par un morisque qui venait de débarquer à Tunis, et qui nous a paru suffisamment représentative de la façon dont est restituée ce que l’on peut appeler, à la suite de Gabriel Martinez-Gros, « l’identité andalouse », transmettant avec fidélité les caractéristiques de la mémoire collective de toute une communauté d’exilés andalous en pays d’islam. Les commentaires qui vont suivre s’attelleront à déconstruire des propos reflétant les problèmes inhérents à l’exclusion et aux souffrances rattachées à l’exil.
À propos d’une généalogie
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Fidèle à la tradition généalogique arabe, Ibn Abd-al-Rafi commence son texte par une énumération des raisons qui l’ont poussé à rédiger son ouvrage. Il explique, à cet égard, que la rédaction de cette œuvre répond à une demande qui lui a été faite par un coreligionnaire morisque, appartenant comme lui à une lignée chérifienne, et qui a souhaité confronter les données de son arbre généalogique avec celles inscrites sur le sien. Il rapporte également qu’il a intitulé son ouvrage Al-Riyad al-aniqa fi aba’ hayr al-khaliqa (Les jardins élégants au sujet des ancêtres de ce qu’il y a de meilleur dans la création, c’est-à-dire Mahomet), en suivant le modèle parfait de l’ouvrage de son maître Jamal al-din al Musrati6. Il l’a transmis, avec une licence écrite de sa propre main et envoyée de Kairouan, entre l’année 1019-1020 de l’hégire / 1610-1611. Il dit aussi qu’il lui a donné, par la suite, un autre titre beaucoup plus personnel : Al-Anuwwar al-nabawiya fi âbâi hayr al-bariya (Les lumières prophétiques au sujet des ancêtres de la plus excellente des créatures, c’est-à-dire Mahomet).
Conformément à ce qu’il a annoncé dans l’introduction de son ouvrage, il traitera de la généalogie des tribus arabes (Quraysh, Mudhar et Kinâna), de la pureté de la lignée du prophète, de sa généalogie, des membres de sa lignée et de celles des dix compagnons du prophète assurés de le rejoindre au Paradis, de la foi de ses vénérables ancêtres, ainsi que des noms de certains descendants de ses deux petits-fils al-Hassan et al-Hussein.
Ce plan rappelle un archétype utilisé dans la littérature généalogique arabe depuis les temps lointains de l’islam matriciel, remis au goût du jour à la faveur d’un engouement observé au Maghreb depuis les derniers siècles de l’époque médiévale pour le maraboutisme et le charifisme.
Bien que certaines recherches, rassemblées dans le recueil dirigé par Miguel de Epalza et Ramón Petit sur la présence des morisques andalous en Tunisie7, aient insisté sur la ressemblance entre la conclusion de l’œuvre d’Ibn Abd-al-Rafi et les propos consignés dans le manuscrit S.2 de la Collection Gayangos de la bibliothèque de l’Académie royale d’histoire de Madrid, écrits en aljamiado et attribués à un auteur anonyme, il nous semble qu’un tel rapprochement doit pour le moins susciter un certain scepticisme, dans la mesure où l’auteur d’al-Anuwwar était installé à Tunis depuis plus de dix ans au moment de la date fatidique de l’édit d’expulsion des morisques d’Espagne en septembre 1609, alors que l’installation de l’auteur anonyme en question ne s’est faite qu’après la promulgation de l’édit par le roi d’Espagne Philippe III.
Toutefois, il n’est pas inutile d’insister, comme l’ont déjà fait les auteurs des travaux indiqués, sur l’importance des influences culturelles qui ont incontestablement imprégné le contenu de ces textes écrits en langue arabe, en aljamiado, ou encore en castillan. Ces textes nous ont permis d’apprécier les spécificités d’une culture de l’exil, à la confluence de plusieurs courants linguistiques et culturels.
Malgré sa rédaction dans une langue qui n’a rien à envier à celle usité par le milieu savant arabe, le texte d’al-Anuwwar s’inscrit dans cette quête implicite de repères spatiaux, religieux et mémoriaux, répondant à un contexte historique facilement repérable, rattaché, croyons-nous, à une étrange fascination pour la personne du prophète, due probablement aux difficultés ressenties par les musulmans confrontés aux méfaits des incursions répétées des puissances occidentales. La littérature panégyrique, louant les mérites du prophète, ne traduit-elle pas paradoxalement les difficultés rencontrées indifféremment par les musulmans d’Orient et d’Occident, exprimant ainsi une incapacité à assimiler la nouvelle situation engendrée par les velléités belliqueuses du monde chrétien ?
De telles conditions étaient promptes à pousser les démons de l’identité au-devant de la scène. Un retour sur soi ne peut être compris, dans le cas des morisques traumatisés par une expulsion forcée de leur terre natale, en dehors d’une exaltation exacerbée des revendications identitaires.
Dans sa volonté de construire l’identité hispanique, l’Occident ne fut pas en reste dans cette mythification d’al-Andalus. Les Lumières déterrèrent le passé arabe de la péninsule Ibérique, occulté par la vulgate officielle depuis l’époque des Rois Catholiques. Les romantiques opérèrent eux aussi, un retour intéressé sur al-Andalus, pour en faire, selon l’heureuse expression de Washington Irving, « un Orient à domicile »8. Nous aurons plus loin l’occasion de mettre à nu une aussi invraisemblable machinerie produisant des stéréotypes autour de l’image du « Maure d’Andalousie »9, en effectuant un retour sur les plus récents résultats de l’expertise anthropologique, mais revenons un instant à notre texte pour l’interroger sur la façon dont il a exploité et infléchi cette mémoire morisque collective, alors que ses représentants les plus en vue nous paraissent insister sur deux aspects : la persécution et l’exil.
Mémoire de persécuté
Les feuillets de conclusion des Lumières prophétiques… de Mohamed Ibn Abd-al-Rafi al-Andalousi présentent une vraie plaidoirie, rédigée dans un style ne dédaignant pas d’utiliser la polémique pour exprimer l’exaspération vis-à-vis des médisances colportées par une population autochtone « vieille-tunisoise », qui n’avait pas de scrupules à manifester ses réticences quant aux prétentions chérifienne de certains morisques qui venaient de débarquer à Tunis, et qui considérait que leur sang s’était trop mélangé à celui des « infidèles chrétiens ».
Voilà des propos extrêmement blessants, tenus contre des gens qui avaient souffert les pires persécutions, meurtris dans leur âme et dans leur corps, après avoir livré une ultime bataille contre la politique expansionniste des rois d’Espagne franchement hostiles à leur présence dans leurs royaumes, et complètement déçus par les agissements d’une institution inquisitoriale acquise aux idées d’une population « vieille-chrétienne » qui les a constamment fustigés, suspectant leur conversion au dogme catholique et ne reculant devant rien pour les spolier de leurs biens et les chasser de leurs terres.
Plusieurs études ont été consacrées aux conséquences désastreuses de cette politique menée contre les judéo-convers depuis la fin du xive siècle, et élargie aux morisques tout au long de la deuxième moitié du xvie siècle. Il est complètement admis aujourd’hui que les effets négatifs de l’insurrection de l’hiver 1568 à Grenade et les troubles qui s’ensuivirent entre 1577 et 1583, ont poussé la Couronne d’Espagne à opérer un changement radical dans la politique assimilationniste qu’elle a menée dans les affaires concernant les morisques. Les alliances contractées par ces derniers auprès des ennemis, Ottomans et Béarnais, hostiles à la politique des rois d’Espagne, représentaient un danger réel pour la société et le pouvoir espagnol, dont la politique leur était devenue franchement hostile à partir de 1581.
Scrutant de près ce phénomène, Raphaël Carrasco a essayé, dans un recueil de travaux de recherche publié il y a quelques années10, de dessiner la ligne de démarcation qui, dans la politique inquisitoriale, sépare les agissements contre les juifs marranes et ceux commis contre les musulmans morisques. Pour lui, autant la position économique et financière majeure des juifs a pesé dans la constitution de la diaspora juive européenne, préparant ainsi le terrain pour la construction plus tard de l’économie-monde européenne, autant le malaise politique engendré par une recherche délibérée, et on ne peut plus dangereuse, d’alliances politiques extraterritoriales a été déterminante dans le revirement de la politique des rois d’Espagne contre les morisques.
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Il n’y a pas de différence de fond entre cette version savante des faits et celle racontée par l’auteur de notre œuvre généalogique. Ibn Abd-al-Rafi n’a-t-il pas essayé dans un premier volet de sa conclusion d’établir un parallèle fort intéressant entre sa trajectoire de vie et celle de tous ses coreligionnaires morisques arrachés à leurs contrées d’origine ? Pour lui, il n’y a pas l’ombre d’un doute dans sa volonté, ainsi que dans celle de ceux qui étaient dans sa situation, de tenter l’impossible pour préserver une identité meurtrie par un travail de sape systématique. Une telle situation ne donne-t-elle pas le droit aux victimes de solliciter le soutien qu’elles étaient en droit d’attendre de la part des musulmans d’Orient et d’Occident ?
La plaidoirie de l’auteur prend un ton polémique, en accusant tous les médisants tunisois et autres d’être dans l’ignorance totale de ce que leurs « frères morisques » ont supporté, en acceptant de vivre dans une société « vieille-chrétienne » franchement hostile à leur présence. Il leur reproche de proférer des propos non fondés contre des musulmans élevés comme eux selon les strictes normes d’une éducation musulmane authentique.
Raphaël Carrasco, encore lui, en spécialiste de l’histoire de l’institution inquisitoriale espagnole contre les morisques, distingue deux grands moments dans l’évangélisation des musulmans d’Espagne. Dans un premier temps, le débat va porter sur la sincérité de la conversion des morisques, on espérait alors une absorption pure et simple des néophytes dans la société « vieille-chrétienne ». Mais l’échec de cette politique, suivi de la révolte des Grenadins en décembre 1568, fait déplacer le débat du terrain social et religieux au terrain politique. C’est la théorie de « la cinquième colonne » que les tentatives répétées de soulèvements armés conduits par les morisques valenciens et aragonais vinrent accréditer dans l’esprit des décideurs espagnols. C’est par rapport à ce contexte politico-militaire qu’il faut comprendre la recrudescence de la répression inquisitoriale durant la décennie 1585-159511.
C’est donc dans un contexte trouble et peu réconfortant, que la famille d’Ibn Abd-al-Rafi s’est résignée à prendre le chemin de l’exil pour élire résidence à Tunis. L’auteur d’al-Anuwwâr ne donne sur cette étape de sa vie que très peu d’informations. Il était encore enfant lorsque sa famille débarqua à Tunis en 1597. Cette information contraste, nous semble-il, avec tout ce qu’il a pu nous rapporter sur les apprentissages multiples qui lui ont permis de cumuler une solide éducation, engagée secrètement par son père, puis de la renforcer, grâce aux multiples cours qui lui ont été donnés par d’éminents savants entretenant des relations privilégiées avec son cercle familial. Il est inconcevable de donner foi à de telles informations quant aux multiples pérégrinations savantes de l’auteur. Ni son âge précoce, ni ses facultés ne pouvaient objectivement lui permettre de se targuer d’un tel statut12.
En rapportant de telles informations, Ibn Abd-al Rafi avait probablement en tête des soucis de cursus et la nécessité pour tout savant musulman de faire valoir sa propre chaîne de transmission, élément fondamental légitimant son adhésion à l’élite instruite. D’ailleurs, ne faut-il pas voir dans les contradictions de ses propos, concernant les difficultés qu’il a dû affronter pour réaliser un tel objectif, un indice supplémentaire de l’aspect dérisoire de son apprentissage tout au long de cette première étape de sa formation ? Nonobstant, un certain apprentissage aux us et coutumes andalouses, puis l’installation de sa famille à Tunis, fut à notre avis le véritable moment de sa formation savante.
L’auteur d’al-Anuwwâr trace un tableau haut en couleur de la sortie forcée des morisques de leur pays d’origine. Son témoignage sur les événements qui ont secoué son insouciante enfance porte la marque d’un profond traumatisme. Les données strictement historiques sont mêlées à d’autres, créées de toutes pièces, pour exprimer toute la signifiance de la domination incontestée de l’oralité sur des traditions scripturaires andalouses, mises à mal après des décennies de pratiques inquisitoriales.
Expliquant les causes qui ont obligé les morisques à quitter définitivement leur pays natal pour venir grossir les rangs des populations des villes de Tunis, Salé, Tétouan, Fès, Marrakech et Alger, il évoque le silence coupable des monarques musulmans, et plus spécifiquement les Mérinides du Maroc et les Mamlouks d’Égypte. Mais ce qui paraissait retenir le plus son attention, c’était la résistance de ses coreligionnaires aux exactions commises par les institutions inquisitoriales faisant écho à la politique raciste de l’État espagnol contre les morisques13. L’opération de sauvetage, ordonnée par le sultan ottoman Mohamed IV et par son grand ministre Mourad Pacha entre 1604 et 1605, ainsi que l’excellent accueil des Turcs de Tunis et le franc soutien des représentants les plus en vue du maraboutisme tunisois, contrastent avec la position assez méprisante du commun14.
Il est admis que les prémisses de l’Inquisition contre les morisques remontent à la fin du xve siècle, lorsque la ville de Grenade fut divisée de force en 1498 en deux espaces séparés, l’un chrétien occupant le centre, l’autre morisque relégué à la périphérie. Cette séparation fut suivie par le début d’une politique de christianisation forcée contrastant avec les engagements pris par les Rois Catholiques lors de la prise de Grenade. L’architecture, le mode de vie, le costume, les rituels religieux et festifs, la cuisine, l’hygiène musulmane et la langue arabe furent traqués sans relâche. C’était trop demander à ces gens que de les obliger à renier tout ce qui constituait leur âme pour pouvoir continuer à vivre chez eux. Leur réaction violente s’explique par un tel contexte. Ils se soulevèrent contre l’injustice sociale et l’oppression des institutions d’un État raciste. Autant la première moitié du xvie siècle a pu passer sans grand remous, autant sa deuxième moitié fut tendue et mouvementée. La révolte des Alpujarras, près de Grenade, qui s’était déclenchée au cours des derniers jours du mois de décembre 1568, fut traumatisante pour les deux parties. Le projet d’acculturation forcée, s’étendant sur plus d’un siècle (1499-1609), était devenu obsolète et il ne restait dans la logique des institutions de l’État espagnol que de penser à un plan préparant, à plus ou moins longue échéance, l’expulsion pure et simple des morisques.
Reprocher à cette communauté ses alliances douteuses avec les ennemis de l’Espagne, en l’occurrence les Turcs, sans insister auparavant sur les méfaits engendrés par la fuite en avant de la politique inquisitoriale espagnole, la corruption des ses institutions et de ses agents administratifs, équivaut à traiter partialement d’une injustice subie par une communauté désemparée et mise à mal à tout point vue.
Le rapport aux Turcs d’Alger ou d’Istanbul, que les morisques n’ont pas nié et ont revendiqué avec ferveur et fierté, ne peut représenter qu’une sorte d’épouvante que les deux parties ont brandie ; les uns pour légitimer toutes sortes d’agissements outranciers et démesurés contre une communauté de « mal-aimés », les autres pour se prémunir contre une politique délibérée d’anéantissement, qui les poussait dans leurs derniers retranchements, en demandant secours à ceux qui voulaient bien intervenir pour abréger leur souffrance.
Ibn Abd-al-Rafi avait en tête cette réalité lorsqu’il a évoqué le soutien du sultan ottoman, de son administration et de ses représentants installés à Tunis. Il ressentait même une fierté particulière à nous décrire les pourparlers diplomatiques engagés entre l’administration turque et le roi de France pour faciliter l’acheminement des émigrés et leur arrivée à bon port sur l’immense étendue de l’empire-monde ottoman. Il se réjouissait également d’évoquer la hantise de la Cour d’Espagne et de ses agents diplomatiques pris de panique devant une telle situation. Mais ce qui importait dans son discours, adressé, ne l’oublions pas, aux morisco-sceptiques appartenant au pays d’accueil, c’était de rassembler le maximum de preuves à décharge permettant de disculper ses coreligionnaires. Il insistait sur deux éléments : Philippe III convoquant d’urgence son conseil d’État pour discuter du sort qu’il devait réserver aux morisques et ordonnant leur expulsion du territoire espagnol, après l’échec de toutes les stratégies d’assimilation ; le soutien rencontré par cette communauté de persécutés, installée à Tunis, auprès des « gens de Dieu », après avoir souffert le martyr dans leur pays d’origine. Voilà des thèmes qui ont retenu l’attention de notre auteur et auxquels il a réservé sa plaidoirie, cherchant à mettre fin aux médisances de ses détracteurs.
Le résumé très significatif qu’il fait, concernant les différents arguments avancés par Philippe III soutenant sa décision d’expulsion des morisques15, prouve une certaine maîtrise des faits historiques avérés et montre sa connaissance des différentes langues espagnoles. Nous comprenons très bien sa stratégie d’écriture, visant à traiter de la position des décideurs espagnols à travers la lorgnette réductrice du conflit religieux, opposant une société « vieille-chrétienne » à ces « nouveaux-convertis » de force, cherchant à tout prix à démontrer combien les premiers n’éprouvaient aucun remord à envoyer les plus intransigeants d’entre eux au bûcher, du seul fait qu’ils les suspectaient de ne point couper les ponts avec leur culture d’origine et de conserver leur fervente croyance en la religion de leurs ancêtres.
Il est complètement incompréhensible pour notre auteur que ceux qu’ils considèrent comme leurs pires ennemis reconnaissent aux morisques de telles « vertus », alors que des musulmans ne cessent de proférer des propos calomnieux contre eux. Nous retrouvons avec ce genre de réflexion une constante de ce que nous pouvons qualifier d’étrange résistance identitaire. Il ne fait aucun doute pour l’auteur que, dans la noblesse des racines arabes de ses coreligionnaires, qu’il compare d’ailleurs aux premiers compagnons du prophète tout en insistant sur le fait qu’ils ont été salués par la plus grande autorité du soufisme tunisois, les morisques sont d’authentiques musulmans.
Ces gens étaient, selon lui, tout simplement « des miraculés que Dieu dans sa miséricorde a sauvés grâce à l’intercession du prophète qui tenait à épargner la progéniture de sa descendance directe et les descendants de ses proches compagnons Qurayshites, dont les origines remontent aux Ansars Khazrajites, aux Awsites, ainsi qu’aux chérifs Hâchimites, Hassanites et Huseinites »
Ibn Abd-al-Rafi ne cache guère sa fierté quant au statut privilégié de sa communauté, en racontant, avec force détails, le fastueux banquet offert en leur honneur par le saint patron de la ville de Tunis. À l’instar d’Othman Dey (1598-1610), digne représentant de la gente turque à Tunis, qui leur a ouvert grandes les portes du pays, le patron de la ville de Tunis Abu al-Ghayth al-Qashshesh (mort en 1622) ne ménagea aucun effort pour encadrer les nouveaux venus et faciliter leur installation définitive dans les différentes contrées de la Régence.
Tels qu’ils sont rapportés dans al-Anuwwâr, les faits sont ordonnés d’une façon qui trahit la volonté de l’auteur de ramener son discours à cette image hautement symbolique d’un prophète sauveur, qui vient secourir d’authentiques croyants traqués sans relâche et souffrant le martyr. Le banquet, perçu d’ordinaire comme une manifestation ostentatoire de joie et de fête, rompt donc symboliquement avec la situation de peine et d’exil, exprimant une position favorable à la quête des morisques andalous venant chercher refuge chez leurs frères musulmans de Tunis. Et c’est au prophète de manifester, à travers le rêve prémonitoire qu’il envoie au saint patron de la ville, son approbation face à cette initiative, qui ne fait que rendre justice aux descendants des conquérants arabes, ayant jadis pris la péninsule Ibérique. Il est juste et bon qu’ils facilitent l’insertion des morisques andalous au sein de la civilisation musulmane qu’ils partagent.
Cette image du morisque, défendant ses racines arabes et musulmanes et ne trouvant de la part des autres musulmans que dédain, suspicion et indifférence, peut nous paraître aujourd’hui stéréotypée et outrancière. Proposée aux contemporains d’Ibn Abd-al-Rafi, elle inspire au contraire un effet percutant, que l’auteur a manifestement cherché à exploiter, pour convaincre une opinion tunisoise morisco-sceptique.
Mémoire d’exilé
L’autre volet de cette plaidoirie, son pendant logique dirions-nous, a été consacré à un retour significatif du point de vue identitaire sur un événement fondateur qui n’est autre que la conquête musulmane d’al-Andalous.
n reprenant à son propre compte les données rapportées par al-Iktifa fi akbâr al-khoulafa ou Chroniques des califes, ouvrage écrit par Mohamed al-Kardabous, auteur andalous qui vécut à Tunis au cours du xiie siècle17, Ibn Abd-al-Rafi s’approprie un épisode matriciel dans l’histoire de toute une communauté de valeureux conquérants.
Les images retenues par notre auteur, à travers ce détour par les sources de l’histoire musulmane d’al-Andalus, sont édifiantes. Les différents protagonistes sont interpelés pour insister sur une valeur ou une vertu qui traduit une certaine représentation de la conquête musulmane de cette péninsule, comprise non comme un événement historique comportant des faits avérés mais comme une parabole dont le but est de revigorer une mémoire occultée par un exil forcé et très mal supporté.
La chevauchée ibérique victorieuse du commandant des troupes musulmanes, le berbère affranchi Tarek Ibn Ziyad, contraste avec la sagacité versatile du gouverneur omeyade de l’Ifriqiya Moussa Ibn Nousayr, dont le père avait osé braver l’ordre de Muawiya Ibn Abi-Soufiyan, fondateur de la dynastie omeyade, en refusant de le rejoindre dans sa lutte contre le clan des Alides.
En définitive, ce furent des hommes libres, sages, vertueux, capables et plein de bonne volonté, qui affrontèrent avec courage et abnégation une ancienne société wisigothique vivant les pires déchirements dynastiques et l’usurpation illégitime du pouvoir installé à Tolède par un obscur gouverneur de la Bétique espagnole, Rodrigue. Ce dernier est peint comme un homme sans foi ni loi, porté sur les plaisirs de la chair et offensant par son comportement irresponsable ses gouvernés ainsi que le cercle étroit de ses proches alliés
Cette image d’une péninsule Ibérique complètement déchirée et rapidement conquise par des cavaliers arabes, qui n’avaient que peu d’expérience des techniques de la mer, n’a pas cessé de susciter un débat houleux sur la façon dont est perçue cette histoire commune reliant les deux rives de la Méditerranée. D’Ignacio Olagüe18, essayant de mettre en avant depuis la fin des années 1960 les vraies causes qui ont permis aux arabes de conquérir avec une facilité aussi déconcertante un territoire préparé a recevoir une civilisation orientale après des décennies d’arianisme unitariste, à José Antonio González Alcantud19, exprimant les avatars des mentalités espagnoles dans leurs rapports à ce qu’il a appelé la « fractale du maure d’Andalousie » fonctionnant comme un trope, beaucoup d’idées reçues ont été balayées de la sphère de la recherche savante consacrée à la présence arabo-musulmane en Andalousie.
Telle qu’elle est racontée par l’auteur d’al-Iktifa…, puis reprise par Ibn Abd-al-Rafi, la débâcle de l’armée de Rodrigue, qui comportait pas moins de 100 000 cavaliers, avançant à grand renfort pour venir écraser une armée musulmane d’à peine 7 000 combattants, donne l’occasion à l’auteur de notre œuvre généalogique de s’identifier à cette grande victoire, mettant fin à une détresse qui n’a que trop duré. Les combattants musulmans avaient-ils trouvé un franc soutien de la part d’une population ibérique montrant une grande perméabilité à l’égard des nouveaux arrivants musulmans et de leur civilisation ? Rien n’est moins sûr, car au-delà de tous les arguments avancés par Olagüe, défendant la thèse de la complicité voir de la trahison d’un arianisme déjà acquis au projet musulman, les confrontations soutenues et les relations extrêmement tendues entre les deux communautés de confession différente indiquent que la présence arabe en Andalousie n’a pas été cette promenade de santé racontée par l’auteur de notre texte. Pis encore, l’envie et la jalousie soudaine du gouverneur Moussa Ibn Nousayr vis-à-vis de son affranchi Tarek et la fidélité de ce dernier, selon la version racontée par Ibn Abd-al-Rafi, ne peut-elle pas cacher une opinion favorable au loyalisme et à la probité du subalterne contrastant avec la cupidité et l’aveuglement de son maître ? Ne peut-on pas voir dans la distorsion des faits une volonté de réhabilitation, certes a posteriori, de l’image du berbère s’affranchissant de l’hégémonie orientale pour réussir ses propres rendez-vous avec l’histoire ?
La conséquence de cette glorieuse conquête fut, si nous consentons à suivre les développements d’Ibn Abd-al-Rafi, la construction d’un espace balisé par la présence musulmane. Ce territoire, dont le paysage culturel ne peut se soustraire de cette «marque de fabrique » trahissant une identité musulmane ancrée sur le sol ibérique, était composé, aux dires de notre auteur, de 17 grandes cités entourées de remparts monumentaux, devancés par de profondes tranchées.
C’est cette splendeur, reflétant à la fois le savoir-faire architectural, la finesse de la culture et la grandeur de la civilisation musulmane, qui a été retenue par Lisâneddine Ibn al-Khatib, fin lettré et célèbre chambellan du royaume nasride, auteur d’une monographie consacrée à Grenade et aux Grenadins20, dont l’œuvre a été compulsée plus tard par son coreligionnaire Ahmed al-Maqari dans son œuvre Nafhi at-tib fi ghosni al-Andalousi ar-ratîb (Odeur parfumée du fin rameau andalous)21.
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C’est aussi ce rapport au savoir qui a encouragé le Qadhi Iyadh al-Yahsoubi (xe-xie siècles), auteur d’Ash-shifa, à sillonner toutes les contrées d’al-Andalus pour enquêter sur ses savants et consigner leurs notices biographiques dans une encyclopédie consacrée à dénombrer leurs mérites.
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Terre de conquête, l’espace andalous a vigoureusement résisté à toutes les velléités belliqueuses des chrétiens, en profitant du soutien des royaumes almoravides et almohades. Il n’y a pas de doute pour Ibn Abd-al-Rafi sur le sens qu’il faut attribuer à la tradition prophétique assimilant le « groupe des rescapés » ou « la firqa an-nâjiya » au jour de la résurrection, aux Andalous qui combattirent sans relâche les « mécréants » durant sept siècles.
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C’est cette terre de lutte ou du djihad qui a réuni les combattants venant d’Orient comme d’Occident : Chérifs de tous bords, Hachimites, Hasanites, Housseinites, Talibites, Jaafarites, Zaidites, des descendants des compagnons du prophète, des Ansâr venant de Médine, des prestigieux fils des grandes tribus arabes, des Bagdadiens, des Syriens, des Yéménites, des Aws, des Qays, des Makhzoum et des Omeyyades. Sur de telles origines, nul n’a le droit de surenchérir. Que des Tunisois colportent autant de propos mensongers, alors que leur propre sang s’est indéniablement mélangé aux mêmes racines, c’est, pour l’auteur de notre texte, une façon de commettre l’imparable, en niant leur propre identité musulmane. N’a-t-on pas vu leurs sauveurs ottomans et leurs dignitaires religieux ouvrir grandes les portes de la Régence pour faciliter l’installation de ces dignes « combattants andalous » sauvagement expulsés de leur pays ?
Voilà donc le fin fond des opinions défendues par Ibn Abd-al-Rafia dans sa plaidoirie finale. Personne n’a le droit d’entacher ou de douter des racines andalouses ancrées dans l’histoire matricielle de l’islam ou d’ébranler leur mémoire arabe ancestrale.
Discours orienté, ciblant les insidieux détracteurs qui ne dédaignent pas de se cacher derrière un islam de façade, mis à mal par les impies de tous bords et sauvés in-extrémis par d’authentiques musulmans (Ottomans et Andalous) venant de terres lointaines de l’Orient et de l’Occident musulman. Aussi, la conclusion d’al-Anuwwâr ne reflète-t-elle pas une manière particulière d’exprimer une identité souffrant d’un flagrant étouffement, dû probablement à des décennies de pratiques inquisitoriales ?
Au-delà du traitement des faits, propre au métier de l’historien, c’est peut-être sur le plan anthropologique et psychanalytique qu’il faudrait poser le problème de cette identité andalouse souffrant des méfaits de l’exil. Ne faudrait-il donc pas insister davantage sur les capacités de ces exilés à supporter des conditions draconiennes d’adaptation et à affronter maintes difficultés pour se conformer aux nouvelles exigences de leur pays d’accueil ? Au-delà du traumatisme causé par la perte de la patrie, comment cette communauté d’exilés aigris a-t-elle surmonté les obstacles que lui dressait parfois une population autochtone enracinée22 ?
C’est dans ce cadre particulier, insistant sur le champ des recherches sur les représentations, qu’il faudrait peut-être intégrer les récents travaux anthropologiques et historiques qui ont essayé de débusquer les vraies stratégies qui se cachent derrière cette figure culturelle, sémantiquement et métaphoriquement racontée, que nous appelons communément l’identité.
Il revient peut être à l’éminent orientaliste hollandais Reinhart Dozy d’être le premier à interpréter l’histoire andalouse comme celle de la fusion de « race arabe et espagnole », ouvrant ainsi la voie à l’intégration de l’islam dans l’identité espagnole23.
Les travaux menés depuis les années 1970 permirent d’orienter la recherche vers d’autres perspectives, insistant davantage sur l’importance de l’élément berbère dans la construction de l’identité andalouse et dans les formes d’organisation sociale qui prévalaient au-delà du Détroit24.
L’analyse des œuvres historiographiques traditionnelles, rapportant les péripéties des premiers temps d’al-Andalous, a avancé suffisamment de preuves quant à son élaboration tardive et à la coloration hautement idéologique de son discours. Elle a ouvert ainsi de nouvelles pistes davantage infléchies vers une histoire des représentations et vers une approche des textes comme discours25. Et c’est exactement dans cette perspective que Gabriel Martinez-Gros va s’atteler dans une étude, devenue un classique du genre, à comparer l’identité andalouse à une mise en scène. Les sources de l’historiographie traditionnelle, consacrées à l’histoire du califat omeyyade d’al-Andalus, c’est-à-dire les ouvrages écrits entre autres par Ibn Hazim, Ibn Hayyân, Ibn al-Qûtiya et Ibn Qoutayba, offrent à l’historien toutes les informations qui semblent autoriser à démontrer que les racines arabes des Andalous ne souffrent d’aucun doute, alors qu’il ne s’agissait, selon la grille de lecture proposée par les défenseurs d’une posture déconstructionniste du discours historiographique, que d’une « grande machinerie » agencée en un peu plus d’un siècle. Si l’on suit bien les développements proposés par Martinez-Gros, l’index des mots essentiels sollicités pour réaliser un tel objectif n’est pas long à établir : « Califat, faute et rédemption, arabes et clients, exil et légitimité, terre hostile et adoptive, Orient et Occident ».
En effet, à bien suivre les analyses proposées par l’auteur de L’identité andalouse, « ces mots reviennent sans cesse… toujours gros du même sens »26. Une telle « machinerie » ne semble-t-elle pas faire partie aussi des stratégies du discours proposées par Ibn Abd-al-Rafi, défendant avec ardeur les racines arabo-musulmanes de sa communauté d’exilés morisques venant grossir les rangs de la population de la ville de Tunis ? Au-delà d’un légitime besoin de consécration de soi, utilisé sans doute pour faire face à une campagne insidieuse menée par des protagonistes qui n’ont eu de cesse de proférer des propos calomnieux, installant le doute quant à l’authenticité de la religion musulmane chez cette communauté étrangère fraîchement débarquée en terres d’islam, la franche métamorphose subie par les morisques dans l’effort qu’ils ont consenti, bon gré mal gré, pour se conformer aux préceptes de la religion chrétienne, la suspicion entourant leurs moindres faits et gestes, tous ces éléments ont fini par mettre cette communauté d’exilés sur la sellette, en l’obligeant à produire un discours ultra puritain qui ne cadre pas avec la réalité de leur double culture hispano-arabe.
Les recherches philologiques scrutant la littérature écrite en aljamiado n’ont-elles pas prouvé, depuis les travaux des grands orientalistes espagnols du début du siècle dernier, la présence d’une double culture chez les morisques immigrés27 ? Somme toute, il y a là une situation d’ambivalence culturelle et linguistique, dont les effets n’ont pas cessé d’alimenter les plus fantasques des fictions d’une rive à l’autre de la Méditerranée.
Notes
1 Abdelmajid Turki, « Watâiq an al-higra al-andalusiya al-akhira ila Tunis », Hawaliyât al-gami a al-tunisiya, 4, 1967, p. 25-63.
2 Miguel de Epalza et Ramón Petit (dir.), Recueil d’études sur les Moriscos andalous en Tunisie,Tunis, Publication Direction générale des relations culturelles Madrid - Société tunisienne de diffusion, 1973, p. 114-125.
3 Denis Menjot, Murcie castillane, une ville au temps de la frontière (1243- milieu du XV e siècle), Madrid, éd. de la Casa de Velázquez, 2002, 2 t.
4 Al-Muntasir Ibn al-Murabit Ibn Abu Luhaya, Nur al-armash fi manaqib Abi-al-Ghayth al-Qashshash, texte établi, annoté et présenté par Lotfi Aïssa et Hussein Boujarra, Tunis, éd. al-Atika, 1998, p. 140, 200, 311, 419.
5 Ibid., p. 311. Le récit hagiographique consacré au saint tunisois Qashshash apporte la preuve irréfutable de la véracité de cet apprentissage.
6 Jamal-Eddine ibn Abi al-Qasim Khalaf, connu aussi sous le nom d’al-Musrati (mort en 1654), fut à cette époque mufti de la ville de Kairouan ; M. S. al-Kinani, Takmil as-soulaha wa al-ayaan li maalim al-iman fi awliya al-Qayrawan, texte établi par Mohamed al-Annabi, Tunis, al-Maktaba al-Atika, 1970, p. 91-92 ; M. L. Matwi, Kitab al-oumour (Œuvre d’une vie),Tunis, 1996, p. 530.
7 Juan Penella, « Le transfert des moriscos espagnols en Afrique du Nord » ; Henri Pieri, « L’accueil par les tunisiens aux morisques expulsés d’Espagne : un témoignage morisque » ; Jaime Olíver Asín, « Un morisco de Tunis, admirateur de Lope. Étude du Ms. S2 de la collection Gayangos » ; articles dans Recueil…, op. cit., respectivement p. 77- 88, p. 128-134 et p. 205-239.
8 François Géal, Regards sur al-Andalus (viiie - xve siècle), Madrid-Paris, éd. de la Casa de Vélasquez, 2006 ; Cyrille Aillet, « Al-Andalus, la construction d’une mémoire (viiie - xve siècle) », p. 3-4.
9 José Antonio González Alcantud, Le Maure d’Andalousie, traduction de l’espagnol par Jean-Pierre Augain, Paris, éd. L’Archange minotaure (Aux Andalousies), 2007, chap. V, VII et X.
10 Raphaël Carrasco, La monarchie catholique et les Morisques (1520-1620), Montpellier Etlal, Université Paul Valery, Montpellier III, 2005, p. 7.
11 Ibid., p. 5-6.
12 Al-anuwwâr, op. cit., p. 28-30.
13 Rodrigo de Zayas, Les morisques et le racisme d’État, Paris, éd. La Différence (les Voies du Sud), 1992, réédition 2007, chap. IV.
14 Al-Anuwwar, op. cit., p. 31-40 du texte arabe établi par A. Turki.
15 Al-Anuwwâr, op. cit., p. 34-36 du texte arabe établi par A. Turki.
16 Ibid.,p. 40.
17 Articles de Chadhli Naifar, dans le quotidien tunisien en langue arabe « Assabah », numéros du 2 mars et du 6-13 avril 1967.
18 Ignacio Olagüe, Les arabes n’ont jamais envahi l’Espagne, Paris, Flammarion, 1969.
19 José Antonio González Alcantud, op. cit.
20 Lisâneddine Ibn al-Khatib, al-Ihâta fi akhbâri Gharnâta, texte établi et annoté par Mohamed Abdallah Anan, Le Caire, Librairie Khânji, 1973-1977.
21 Chihab-eddine Ahmed Maqari, (mort en 1374), Nafh at-tib min ghousn al-Andalus ar-ratîb wa dhikri wazirihâ lisaneddine Ibn al-Khatib, texte établi et annoté par Youssef Ali Tawil et Mariam Kacem Tawil, Beyrouth, Dar al-Koutoub al-‘Ilmiya, 1995.
22 Sur les troubles psychologiques inhérents à l’exil, voir les travaux de Léon et Rébecca Grumberg, Psychanalyse de l’immigration et de l’exil, ainsi que les travaux d’Edouard Saïd, Réflexions sur l’exil et autres essais (traduit par Charlotte Woillez), Paris, Actes Sud, 2008.
23 Reinhart Dozy, Recherches sur l’histoire et la littérature de l’Espagne pendant le Moyen âge, Leiden, E. J. Brill, 1860.
24 Pierre Guichard, Al-Andalus, 711-1492 : Une histoire de l’Andalousie arabe, Paris, Hachette, 2001. Voir également son article « La société andalouse mythes et réalités », Revue Mars, n° 9, 1998, p. 25-38.
25 Gabriel Martinez-Gros, L’identité andalouse, Paris, Sindbad, 1998. Voir aussi son article : « Le mythe andalous dans l’histoire de l’islam », Revue Mars, n° 9, 1998, p. 19-24.
Les travaux de moriscologie se consacrent de nos jours de plus en plus à décaper le « mythe andalou », que ce soit par la déconstruction du discours, ou en explorant la réalité du rôle joué par les minorités dans la construction de l’identité de la péninsule Ibérique. D’autres secteurs de la société andalouse font l’objet d’éclairage, tel que l’histoire des femmes traitée par Manuela Marín dans son ouvrage intitulé Mujeres en Al-Andalus, Madrid, éd. Consejo Superior de Investigaciones Cientificas, 2000, ou bien les groupes et « identités » en marge, sur lesquels Cristina de La Puente s’est penchée dans son étude intitulée Identidades marginales, Madrid, éd. Consejo Superior de investigaciones Cientificas, 2003.
26 Gabriel Martinez-Gros, L’identité andalouse, op. cit., p. 257.
27 Jaime Olíver Asín, « Un morisco de Tunis admirateur de Lope. Étude du Ms. S.2 de la collection Gayangos », dans Recueil…, op. cit., p. 205-239 ; ainsi que, du même auteur et dans le même ouvrage, « Le Quichotte de 1604 », p. 240-247.
Référence électronique
Lotfi Aïssa, « Dans la tourmente de l’exil : plaidoirie d’un morisque de Murcie installé à Tunis au xviie siècle », Cahiers de la Méditerranée [En ligne], 79 | 2009, mis en ligne le 16 juin 2010, Consulté le 11 août 2010. URL : http://cdlm.revues.org/index4937.html
Source: Cahiers de la Méditerranée
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