Université de la Manouba
Au fur et à mesure que la reconquête espagnole progressait aux dé- pens des musulmans d’Espagne, des vagues de réfugiés dits Andalous vont débarquer sur les côtes maghrébines. l’expulsion brutale et définitive des Morisques sous Philippe iii, en 1609, produit la dernière vague d’immigration, la plus considérable certainement. Celle qui a marqué fortement la mémoire collective des Tunisiens. Plusieurs dizaines de milliers d’expulsés, empruntant plusieurs itinéraires arrivèrent sur les côtes maghrébines et tunisiennes. Comme les premiers Hafsides, Uthmân Dey (1594-1610) et après lui Yûsuf Dey (1610-1637) ont encouragé cette immigration et ont facilité l’accueil et l’établisse- ment des réfugiés dans plusieurs endroits au nord-est de la régence de Tunis.
les immigrés se sont intégrés facilement dans les structures urbaines et avaient tendance à rejeter le monde nomade. le courant d’immigration a surtout alimenté plusieurs villes du pays; et même lorsque les réfugiés se sont établis dans des localités à caractère agricole, ceux-ci ont maintenu des liens étroits avec les villes proches. les cités andalouses de la régence de Tunis se groupaient pratiquement toutes autour de la capitale; la ville la plus éloignée de Tunis est Tes- tour, qui en est distante de 75 kms. Nos documents sont explicites, Testour avait, depuis sa fondation, des liens étroits aussi bien avec les autorités ottomanes qu’avec la capitale.
a Tunis, les premiers contingents d’immigrés se sont installés à dans la rue des andalous, déjà occupée partiellement par des hispaniques depuis la fin du XVe siècle, mais le grand nombre des réfugiés édifia un nouveau quartier qui se trouve dans les faubourgs nord de la capitale entre bab Souika, bab El Khadra et bab Carthagène. Ce quartier, qui s’organise autour de sa propre mosquée, jâmic Subhân allah, avait le monopole de l’industrie de terre cuite (carreaux de faïence, poterie et tuile verte).
Un croquis de Tunis qui remonte au XVIIIe siècle, démontre qu’un autre quartier du faubourg nord de Tunis abritait les Morisques.
a bizerte, les andalous se sont installés dans un faubourg assez étendu du côté du fort espagnol, à l’extérieur des enceintes de la ville, où ils avaient leur propre mosquée.
Dans les villes où ils se sont établis, les andalous ont introduit de nouvelles industries et ont donné une impulsion à plusieurs activités commerciales et artisanales: céramique, tissage de la soie, fabrication de la chéchia, etc.
Un urbanisme particulier
Cependant, l’apport fondamental des Morisques dans le domaine de l’urbanisme et de la vie urbaine apparaît clairement dans leurs fondations. En effet, ils ont édifié complètement ou partiellement une vingtaine de localités. les cités réputées d’origine andalouse se re- partissent sur plusieurs régions au nord-est du pays: dans la vallée de la Medjerda, on trouve Testour, Slouguia, Medjez-el-bab, Grich-el- Oued, Tebourba et Djedeida. au cap bon, Sliman, Grombalia, Tour ki, belli, Nianou. Dans le Sahel bizertin, Kalaat el-andless, ausdja, Ghar-el-Melh, Metline, El-alia, ras-Djebel et Menzel-Djemil. Et en- fin, les bourgades proches de la capitale, telles Manouba, l’ariana, Hammam-lif et Zaghouan.
ibn abî Dînâr (XViie siècle), qui a dressé une liste de quatorze villages andalous, a insisté sur leur rôle dans la mise en valeur des régions qu’ils ont habitées: «ils plantèrent la vigne, les oliviers, éten- dirent les jardins, construisirent les routes.»
ainsi, après une longue période de recul de la vie sédentaire dans ces plaines du nord-est du pays, dont profitèrent les tribus nomades, les andalous ont réussi à renverser la tendance en y créant des noyaux de vie sédentaire et urbaine, bénéficiant de la sécurité relative rétablie par les premiers deys ottomans. «les villes et les villages, écrivait en1724 J. a. Peyssonnel, étaient bien rares dans ce royaume avant l’avenue des andalous. la plupart des villes qu’on trouve aujourd’hui leur doivent leur fondation ou du moins leur rétablissement, parce qu’avant eux, les naturels ou Maures bédouins aimaient mieux vivre sous des tentes à la campagne que dans les villes comme la plupart le pratiquent encore».
les récits de voyages des Européens ont rendu célèbres les centres andalous de la Tunisie. les textes écrits aux XVIIe et XVIIIe siècles manifestent une sympathie particulière pour les Morisques et une cer-taine admiration pour leurs villages «bien percés et bâtis comme lesvillages de l’Europe» (Peyssonnel). Ces villages andalous pouvaient apparaitre très prospères, surtout par rapport à l’environnement nomade local. En outre, l’origine hispanique des fondateurs semble leu ravoir donné un certain cachet distinctif: «les habitants étaient Grenadins et ils avaient formé leurs villes sur le modèle de Grenade et avaient donné aux places et aux rues les mêmes noms que celles de leurs anciennes villes» (Peyssonnel).
Effectivement, les cités morisques les plus importantes présentent un urbanisme particulier. Des villes comme Testour, Ghar-el-Melh,Sliman, Tebourba ou Medjez-el-bab ont été bâties sur un plan régulier. L’ascendance des fondateurs de ces centres nous incite à attribuer à ce tracé une origine hispanique. En effet, pendant toute la période précédant l’expulsion des Morisques, les conceptions urbanistiques les plus répandues dans la Péninsule, et sous l’influence des idées de la renaissance, insistaient sur la régularité et la symétrie. les exemples des villes ibériques ou latino-américaines édifiées du XVe au XVIIesiècle sur un plan orthogonal sont très nombreux. au-delà de leur plan régulier, certains éléments de l’aménagement et de la conception des cités morisques de Tunisie sont inhabituels dans le pays, surtout dans les petites villes et les centres villageois, tels le pavement des rues et le tracé de rigoles d’écoulement pluvial. De même, les «places carrées» des villes fondées par les andalous qui «avaient des fêtes de taureaux à l’espagnole» (F. Ximénez), ne peuvent que rappeler un élément structurel typiquement hispanique: la plaza mayor.
la place dans les villes morisques de Tunisie est centripète, point d’aboutissement de l’axe principal. D’autres rues peuvent également converger vers elle. la forme et les dimensions varient d’une localité à l’autre. Elle est plus ou moins rectangulaire ou carrée et assez vaste
à Tebourba, Ghar-el-Melh ou Testour, alors qu’elle est plutôt irrégu-lière et exiguë à Sliman, El-alia ou Zaghouan.
la typologie, l’emplacement et surtout les fonctions de ces différentes places laissent à penser qu’elles préfigurent l’apparition précoce de la place de type européen en Tunisie. En effet, la place dans les cités andalouses est le centre de la vie de la communauté citadine;
elle est le cadre permanent des manifestations urbaines, elle est l’espace public par excellence.
Tout d’abord, elle se constitue en un espace commercial, puisqu’elle est entourée de boutiques qui regroupent les activités artisanales et de négoce; et c’est là que se tient le marché hebdomadaire.
Ensuite, la place représente un espace religieux, généralement bordée par une ou plusieurs mosquées où se pratiquent les prières quotidiennes, le prêche du vendredi et les processions dues aux festivités religieuses.
Enfin, la place est un espace de distraction. a Testour, «la place carrée —écrivait en 1724 F. Ximénez— se trouve au milieu du village où les Maures qui la fondèrent avaient des fêtes de taureaux à l’espagnole». a Sliman, sur la place du village, note le même voyageur, «il y a un café où les Maures pour s’amuser, car ils n’ont pas d’autres divertissements, prennent du café, fument et jouent de quelques instruments».
la place recouvre dans ces cités une zone privilégiée accueillant diverses activités. Des édifices publics se dressent sur ses abords et lui confèrent un caractère monumental: mosquées, hammams, fondouks, cafés et boutiques de commerce et d’artisanat. Sans entrer dans des comparaisons difficiles, on peut signaler des points de similitudes entre les places des centres andalous avec la plaza mayor du monde hispanique, qui est pourtant plus élaborée et plus variée.
L'architecture andalouse
les nouvelles fondations morisques de Tunisie ont connu au XVIIe siècle une période de prospérité et de croissance. Ces centres étaient bien bâtis et équipés, les descriptions des voyageurs en témoignent. ainsi, une vingtaine d’années seulement après la fondation de Testour, Thomas d’arcos (1631) écrit que le village «contient quelque
1500 feux, fort peuple et remply d’assez belles maisons fabriquées a la christianesque et de sept mes qui tes qui ont d’assez belles tours».
les centres andalous se sont dotés, dès leur fondation, comme le confirment par ailleurs le texte précité et les recherches archéologi-ques, d’un réseau dense de monuments religieux et civils. Même de petites bourgades, telles belli ou Slouguia, qui avaient au XViie siè- cle une population ne dépassant pas la centaine d’habitants, s’enorgueillissaient de belles et grandes mosquées d’une qualité architecturale inhabituelle dans les villages du pays. D’ailleurs, les chroniques contemporaines ont insisté sur la distinction qui caractérise les mosqées des cités andalouses «appartenant à la classe des sanctuaires des grandes villes», comme l’a bien remarqué al-Wazîr as-Sarrâj.
l’étude de telles réalisations architecturales permettra de déterminer l’impact de l’apport morisque sur l’architecture tunisienne du XVIIe siècle. ainsi, devons-nous orienter nos investigations vers les centres andalous qui ont reçu à cette époque une importante colonie morisque ou qui ont été tout simplement édifiés par cette communauté. Dans ces centres s’élèvent des monuments datés avec sûr eté et qui révèlent les caractéristiques de l’architecture andalouse. Cependant, ces réalisations architecturales manquent d’unité; et, par ailleurs, les techniques importées d’Espagne ont été très vite combinées à des techniques et des formes architecturales locales. ainsi, l’ensemble de la production architecturale attribuée aux andalous se regroupe-t-il en deux catégories bien distinctes.
le premier compte des monuments dont l’architecture relève de l’art tunisien du XVIIe siècle. En effet, la communauté morisque nous a légué des édifices de première importance, mais qui appartiennent à un type local, très influencés par les techniques de construction et de décor tunisoises. Cette série compte notamment la Grande Mosquée de Zaghouan, Tebourba, d’El-alia ou de Ghar-el-Melh.
la deuxième catégorie regroupe les réalisations architecturales les plus originales puisqu’elles reflètent une influence espagnole manifeste, qui s’observent dans les habitations «fabriquées à la christianesque», ou, selon les termes de J.a. Peyssonnel, «bâties à l’européenne avec des fenêtres sur rue couvertes de briques rondes comme en Provence». ainsi, le toit en tuiles creuses est le trait le plus mar- quant qui ait attiré l’attention des voyageurs européens du XVIe au XiXe siècle. F. Ximénez relève ce type de couverture à Sliman, El-alia, Tébourba, Grich-el-Oued, Medjez-el-bab, Slou-guia et Testour; mais c’est seulement dans les deux dernières localités que le toit en tuiles creuses, s’opposant très nettement à ceux du pays, perdure jusqu’au début du XXe siècle.
l’influence de l’architecture espagnole se manifeste avec particulièrement d’éclat et d’unité dans les édifices à caractère monumental, en l’occurrence, les mosquées datant de l’époque de la fondation de certaines de ces cités. Nous livrons ici quelques exemples de monuments très typiques de cette architecture:
La Grande Mosquée de Testour
Ce monument est des plus caractéristiques de ce type d’architecture. il possède en effet des formes et des techniques originales. Le maître d’œuvre de cet édifice, tout en tirant parti des dispositions habituelles des mosquées locales, a utilisé des techniques architecturales et décoratives d’origine hispanique, créant ainsi une œuvre de synthèse tout à fait inédite: bien ordonné, l’edifice se distingue par ses imposantes toitures de tuiles s’appuyant sur l’armature des combles qui est constitué en un système de charpentes reposant sur l’extrados des voûtes par l’intermediaire de quarante-huit piliers.
Son minaret, par sa forme —tour carrée que surmontent deux tours octogonales— et par maints détails, parfois fort curieux, atteste une parenté avec les clochers espagnols et plus particulièrement avec ceux de l’aragon, corroborée encore par les petits pinacles dressés sur les angles de sa tour carrée ou l’horloge décorative ornant le même minaret. la construction de cet édifice avec ses chaînages de briques et son remplissage de moellons, ainsi que la structure de l’escalier en colimaçon, dénote également une filiation hispanique.
le décor du mihrab de cette mosquée offre un autre exemple des plus inattendus de cette architecture chrétienne, importée par les Morisques et utilisée pour le culte musulman. le fronton à ressauts latéraux supportant trois obélisques et un écusson ovale est de toute évidence emprunté à l’art de la renaissance italo-espagnole.
La Grande Mosquée de Slouguia
Slouguia, qui est bâti, comme Testour, vers 1609 sur la rive droite de la Medjerda, possède une Grande Mosquée d’une valeur architecturale remarquable par rapport à ses modestes dimensions. l’édifice dont la façade donne sur la petite place du village, se compose de tous les éléments habituels d’une mosquée à khutba: sahn, bordé sur le côté nord d’une galerie, minaret, situé dans la cour devant le mur antérieur de l’oratoire et salle de prière, divisée par trois rangées de quatre colonnes de remploi en quatre nefs de trois travées. a part les deux coupoles élevées dans l’axe du mihrab, les voûtes d’arête recouvrent la totalité de cette salle. Ces voûtes sont doublées d’une toiture en croupe de tuiles creuses analogues à celles de Sliman ou de
Testour.
la Grande Mosquée de Slouguia marque cependant une évolution par rapport aux deux autres monuments: ici, la charpente du toit est portée par trois lignes d’arcatures placées sur le réseau de piliers qui surmonte l’extrados des voûtes.
la coupole octogonale qui précède le mihrab perce le toit. Elle est surmontée d’un lanternon hexagonal coiffé par une coupolette; la structure de cette coupole et surtout son lanternon tirent leur origine de l’architecture chrétienne.
Par ailleurs, l’ensemble de cette mosquée possède plusieurs éléments caractéristiques de l’architecture morisque: l’appareil tolédan, les toitures en tuiles creuses, l’encadrement des baies des portes et des fenêtres en briques appareillées et la structure en colimaçon de l’escalier du minaret.
La Grande Mosquée de Medjez-el-bab
Ce monument du XVIIe siècle a été gravement mutilé au cours de ces dernières années. il possède cependant certains éléments de construction et de décor d’un intérêt évident. l’oratoire primitif a subi un agrandissement regrettable qui lui a fait perdre sa couverture en voûtes d’arête, doublée de toiture en croupe de tuiles creuses, et son ancien mihrab d’un type fort original et rappelant celui de la Grande Mosquée de Testour. Ce mihrab, dont la niche ouvre dans un arc en plein cintre couronné d’un entablement et d’un fronton supportant des acrotères en obélisques, appartient foncièrement à la renaissance italo-espagnole.
le minaret qui se dresse dans l’angle nord-ouest de la cour a souffert lui aussi des restaurations sommaires. Sa tour carrée est surmontée d’un lanternon également carré et couronné d’un toit pyramidal.au-dessous des fenêtres géminées, percées en haut du minaret, les quatre faces présentent de grands panneaux ornés de réseaux géométriques réalisés par le relief des briques et qui rappellent évidemment les façades mudéjares de l’aragon.
La Grande Mosquée de Sliman
De toutes les grandes mosquées élevées par les Morisques en Tunisie dans les années qui ont suivi leur immigration, la Grande Mosquée de Sliman est sans aucun doute l’une des plus remarquables.
Une inscription, gravée sur une plaque de marbre et placée sur le mur de la qibla, indique que le Ustad Murad l’espagnol a doté la mosquée de la «ville andalouse de Sliman» de biens habous immobiliers en l’année 1053/1643. Cependant, la fondation de cette mosquée remonterait aux années 1615, comme 1’indique la tradition orale locale.
le monument, situé au centre de la médina, est attenant à la place de la ville. il se compose d’une cour latérale et d’une cour principale s’étendant sur le côté nord de la mosquée. la salle de prière, ayant les mêmes dimensions que celle de la Grande Mosquée de Testour, compte sept nefs de cinq travées. Excepté la coupole qui précède le mihrab, toute la salle est recouverte de voûtes d’arête établies sur qua- rante-quatre colonnes de remploi.
le décor des voûtes offre l’un des exemples les plus inattendus de ces imitations de l’architecture chrétienne importée par les andalous en Tunisie. le maître d’œuvre a essayé de reproduire sur les voûtes d’arête, en plein cintre de part leur structure, des voûtes qui évoquent celles du gothique flamboyant avec une multiplicité d’arêtes et de clefs de voûte. ainsi, les doubleaux sont d’une largeur normale, les arcs diagonaux imitant les ogives sont largement saillants, alors que les tiercerons et les liernes ne sont que des arcs rentrants tracés dans l’enduit.
les voûtes sont doublées d’un toit à quatre pans en tuiles creuses, dont la charpente est portée par un réseau de piliers en briques établis sur l’extrados des voûtes.
le minaret est placé dans l’angle nord-est de la cour. C’est une tour carrée construite en belles pierres de petit appareil, surmontée d’un lanternon octogonal couronné d’une coupolette. la décoration se concentre sur la partie supérieure du minaret. a ce niveau, les fenêtres géminées sont inscrites dans un encadrement de carreaux de céramique polychromes.
la disposition de l’escalier de ce minaret ajoute un autre élément caractéristique de l’architecture andalouse. En effet, celui-ci, qui est en colimaçon, appuie ses marches sur une rampe en hélice.
Cependant, cette mosquée qui témoigne de la nature de l’apport architectural de la communauté morisque en Tunisie révèle, d’un autre côté, plusieurs éléments que le maître d’œuvre a empruntés à Tunis. l’appareil du minaret est ainsi identique à celui du minaret de Yusuf Dey (1615); de même, l’ornementation tapissant le mur de la qibla appartient au répertoire décoratif de Tunis, très pénétré par des éléments orientaux, turcs notamment.
Toutes ces grandes mosquées sont l’œuvre de la première génération d’immigrés; en effet, le souvenir du pays natal des réfugiés était trop vivant dans la mémoire des constructeurs pour que les formes et les techniques espagnoles ne fussent pas apparentes dans leurs œuvres. les sentiments de déracinement et de nostalgie, largement relatés par les auteurs contemporains, peuvent expliquer certaines particularités de la première architecture morisque : les toits en tuiles, la forme de certains minarets, l’horloge, les frontons, les obélisques, les blasons, l’imitation des voûtes gothiques. Tous ces éléments ont, outre leur rôle architectural, une signification hautement symbolique.
Néanmoins, il faut remarquer que même la première génération d’immigrés a adopté plusieurs techniques locales de construction. Ces emprunts étaient parfois indispensables pour l’adaptation des techniques acquises en Espagne aux matériaux qui se trouvaient sur le site. C’est ainsi que la pénurie de bois de grosse section explique les diverses dispositions de charpentes utilisées. Parfois, ces emprunts étaient dus à la nature des nouveaux édifices de culte. ainsi les maîtres d’œuvre ont-ils tout simplement suivi les dispositions habituelles aux mosquées locales.
a partir du milieu du XViie siècle, les descendants des immigrés, n’ayant pas connu l’Espagne, se sont intégrés plus au moins bien dans les traditions du pays. les réalisations architecturales reflètent l’assi- milation de la communauté morisque. la zâwiya de Sidi ali azzûz de Zaghouan (1710) ou celle de Sidi Nasr de Testour (1733) relèvent d’un type monumental familier à l’architecture religieuse tunisienne de l’époque. Seuls quelques détails de construction, inclus dans les traditions architecturales locales, rappellent les origines hispaniques ou andalouses des habitants des deux villes.
CONClUSION
Plusieurs localités, conçues et édifiées par la première génération d’immigrés morisques, ainsi que plusieurs réalisations architectura- les, tirent leurs origines d’Espagne.
les villes et villages morisques de Tunisie présentent en effet un urbanisme assez particulier. leur tracé régulier, la largeur relative des rues, ainsi que certains éléments d’aménagement, comme ces places bordées d’édifices publics et recevant diverses activités, com- merciales, religieuses et de divertissement, ne sont que les reflets des conceptions urbanistiques très influencées par les idées de la renais- sance, qui étaient très répandues dans la Péninsule ibérique.
De même, une partie des réalisations architecturales andalouses mêle des techniques espagnoles à des éléments architecturaux lo- caux, prenant ainsi une place à part dans l’architecture du pays. Ce- pendant, certains éléments de cette architecture, réalisés également par la première génération d’immigrés et reflétant des influences es- pagnoles manifestes, n’ont connu aucune diffusion, tels ces frontons, pinacles, obélisques, horloges ou voûtes en ogives. En effet, ces déli- cates fantaisies ornementales sur des thèmes chrétiens ne pouvaient trouver en Tunisie une postérité. les descendants des immigrés, qui ne connaissaient pas l’Espagne, n’ont retenu que les thèmes les plus simples, ceux qui étaient passés dans l’architecture courante et pou- vaient facilement se transposer dans les techniques locales, comme l’appareil mixte de type dit tolédan, les linteaux et les encadrements des baies en briques appareillées et surtout les toits en tuiles creuses. En outre, ces éléments importés d’Espagne ont été très vite combines à des techniques et à des formes architecturales locales.
Article historique trés intéressant, il ne me reste plus qu'a faire le déplacement!
ReplyDeleteAlors bienvenu...
ReplyDeleteEnhorabuena por tu blog, mucha información y de buena calidad. Te animo a que sigas dando a conocer esta genial cultura y así conseguir una mayor integración.
ReplyDeleteSaludos de una española casada con un tunecino de Manouba y con familia en Testour.
Gracias Laura!!
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