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Mar 30, 2011

Tragédie de l’expulsion morisque : Attitudes espagnoles et arabo-islamiques

Prof. Emérite Abdeljelil TEMIMI
Série 4 : Etudes d'Histoire morisque N° 29
Publications du Centre d’Etudes et de Traductions Morisques
Fondation Temimi pour la Recherche
Tunis, Janvier 2011

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DEMARCHES POUR UNE PRISE DE CONSCIENCE PLUS LARGE ET UN APPEL AU PARDON DE L’ESPAGNE


Depuis 1972, nous tâchons de dynamiser et de stimuler l’intérêt pour les études morisco-andalouses par de nombreuses publications de documents nouveaux, trouvés aux Archives de Baskelet Arsivi d’Istanbul, puis aux Archives de Venise, de Florence, de Paris, et dont certains ont été publiés dans mes précédents ouvrages. Au-delà, 14 congrès internationaux ont consacré l’intérêt que nous portons aux Etudes Morisques, un quinzième se tiendra à la fin du mois de mai de cette année 2011. Indéniablement, ces activités ont permis de connaître un grand nombre de chercheurs et d’historiens des générations ancienne et plus jeune à travers le monde arabe, l’Europe, l’Amérique, l’Inde, le Pakistan, la Russie, le Japon qui ont participé activement aux congrès organisés à Zaghouan et à Tunis. Il s’ensuivit la publication de plus de 650 études essentiellement en langue espagnole et française, mais moins en langue arabe pour des raisons multiples.
Aujourd’hui, je me remémore l’état dans lequel étaient les études morisques 40 ans auparavant où dans le monde arabo-musulman on comptait sur le bout des doigts les chercheurs qui s’intéressaient à l’époque morisco-andalouse, c’est à dire de la chute de Grenade en 1492 jusqu’à l’expulsion des musulmans d’Andalousie en 1609, alors qu’on en dénombrait plus de 200 européens et américains, spécialistes de cette période délicate de l’histoire de l’Andalousie à laquelle ils ont consacré des centaines de thèses de doctorat aujourd’hui encore à l’état manuscrit et conservées dans les bibliothèques universitaires espagnoles, françaises et autres. Nous sommes d’ailleurs redevable au Professeur français Louis Cardaillac, pionnier des Etudes morisques, de son aide précieuse qui nous a permis de constituer et de publier la Bibliographie générale d’études morisques, à travers laquelle on a cherché à répertorier et élargir ces études au niveau arabe et mondial, afin d’attirer l’attention des chercheurs et historiens européens et américains sur l’existence des fonds considérables et nouveaux dans les archives ottomanes et arabes susceptibles d’être utilisés dans des futures recherches, aspect complètement occulté auparavant, jusqu’en 1983.
Notre intérêt continu à ces études spécialisées sur les Morisques a rencontré un certain écho auprès de l’opinion arabo-musulmane. En effet, on a tâché de diffuser le plus largement ce capital d’informations diverses à travers les moyens modernes comme le net et de faire parvenir notre message à tous, et notamment au moment de rappeler l’histoire dramatique de l’expulsion des Morisques de leur terre d’Andalousie, et de faire prendre la conscience arabo-musulmane de cette mémoire. A cette occasion, nous avons sollicité l’attention des hautes autorités espagnoles sur ce drame et appelé à une reconnaissance sous forme d’un pardon face à ce qu’ont subi les Morisques d’injustice et de violence de la part des tribunaux d’Inquisition. Nous avons évoqué cette question précédemment avec M. Jahed Fadhel dans un entretien auquel on a joint les lettres qu’on avait adressées à sa Majesté le Roi d’Espagne Juan Carlos, à son premier ministre et à l’ancien ministre des Affaires Etrangères, ainsi que le texte des quelques réponses qui nous sont parvenues et qui reflètent une certaine obstination des autorités espagnoles à mésestimer cette question et un refus absolu à l’idée d’un pardon à l’égard de l’expulsion des Morisques. Néanmoins, comme me l’avait indiqué l’ambassadeur espagnol en Tunisie, Juan Ramón Martinéz Salazar, l’Etat espagnol serait prêt à le faire à condition qu’il y ait un consensus global soutenu par la Ligue arabe, par l’Organisation de la Conférence Islamique, par l’ISESCO et l’ALECSO par exemple, qui formuleraient une demande à un pardon officiel et public, à l’instar de ce qui se passa à Lisbonne en présence du Président Portugais et de nombreux officiels arabes et musulmans.
A la suite de l’intervention de l’ambassadeur, nous avons adressé plusieurs lettres aux organisations arabes et islamiques, à savoir au Secrétaire Général de la Ligue Arabe et de l’Organisation de la conférence Islamique ainsi qu’à ceux de l’ISESCO et de l’ALECSO, en leur exposant les éléments de ce dossier. Mais jusqu’à aujourd’hui, nous n’avons eu comme réponse qu’un silence délibéré, et c’est bien regrettable. Les dirigeants et responsables arabes et musulmans semblent ne pas avoir conscience de la responsabilité historique qu’exige une telle question, position qui n’est pas à la hauteur et la dignité d’une grande héritage comme celui de l’Andalous ; ainsi, aucun d’entre eux n’a formulé de demande en ce sens auprès des autorités espagnoles qui, pour leur part, n’ont vu aucune nécessité à formuler des excuses officielles. Malgré cela, nous continuons à faire parvenir notre message pour que l’Espagne se décidera à formuler un pardon officiel qui, nous en sommes convaincu, finira par arriver tôt ou tard.
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Notre nouvelle publication comprend 4 études traitant de la question des impacts de la civilisation morisque sur la Régence de Tunis, en passant par la qualité linguistique à travers des nouveaux firmans ottomans, ainsi que l’exposé de la production et des orientations à venir des Etudes morisques à travers le monde, pour conclure la partie sur l’occultation de cette question sensible de l’injustice subie par les Morisques dans le passé par les tribunaux d’Inquisition, et aujourd’hui par les arabes et musulmans, que ce soit des autorités ou de l’opinion publique et même des intellectuels et des institutions, qui s’évertuent à effacer tout un pan de la mémoire collective et l’occulter dans les programmes scolaires et jusque dans les traits de leur civilisation.
La deuxième partie de l’ouvrage a été consacrée à la traduction en arabe de quelques études très importantes d’historiens que nous avons connus de près et reconnus dans la spécialité. Ce choix, parmi des centaines d’études déjà publiées en français et en espagnol dans les actes de nos congrès tenus dans la Fondation, nous a été dicté par la pertinence de leurs données, comme celles qui traitent des pratiques de divination chez les Morisques, ou les cultes musulmans face aux rituels chrétiens, les particularités de la langue morisque, ou encore une étude consacrée à la grande figure morisque Al-Hajari, un savant versé dans la théologie chrétienne et qui s’est distingué dans des polémiques de haut niveau avec des hommes de religion chrétiens éminents de l’époque.
Quant à l’étude qui aborde la problématique de la foi et l’affrontement des tribunaux d’Inquisition à Valence, elle nous permet de mieux appréhender cette problématique importante et ses portées. Une autre étude traite des caractéristiques de la calligraphie arabe comme expression du sacré et du sublime à laquelle étaient très attachés les Morisques dans leurs textes littéraires. La dernière de ces études revient à l’éminente spécialiste en Moriscologie, Pr. Luce Lopez Baralt de l’université de Porto Rico, qui s’y arrête pour présenter le travail de la Fondation dans le maintien et la conservation de la mémoire des Morisques vivante et dynamique dans l’esprit arabo-musulman depuis 30 ans.
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Par ailleurs, nous voudrions ajouter que lors du 14ème congrès qui s’est déroulé en mai 2009, nous avions annoncé la création d’un Centre d’Etudes et de traductions morisques (CETM) au sein de la Fondation, afin d’initier un mouvement de traductions de documents et de thèses diverses et autres vers l’arabe ; et à cet effet, nous avions lancé un appel à soutenir ce projet innovant auprès de plusieurs autorités politiques arabes et non arabes et nous espérons par ce fait encourager des projets semblables dans d’autres pays arabes, plus immédiatement concernés par l’histoire andalouse. Mais, notre appel est resté lettre morte ; pourtant, aussi invraisemblable que cela puisse paraître, des instituts européens et américains ont bénéficié de larges dons sans même chercher à s’instruire sur leur registre intellectuel ou leurs réalisations scientifiques ni comment ces aides considérables reçues de riches personnalités et de gouvernants arabes depuis la deuxième moitié du XXème siècle ont té employées.
Nonobstant ces attitudes, nous poursuivons notre projet en lui consacrant toute l’attention et l’effort qu’il mérite. D’ailleurs, le premier livre de cette série est paru il y a quelques semaines du Pr. Mohammad al-Aouini de l’université de la Manouba (Tunis) sous le titre : Al-Andalus, perla de los musulmanes y causas de su desaparición. L’actuel ouvrage est le deuxième qui vient de paraître dans le cadre des publications de ce centre. Nous continuons à veiller, tant que les moyens nous le permettent, de confier à des chercheurs habilités la traduction en arabe d’un certain nombre de travaux, de documents et de thèses universitaires sur l’histoire morisco-andalouse.
Ceci est notre message que nous nous efforçons aujourd’hui et demain de transmettre au plus grand nombre aussi longtemps que nous aurons un souffle de vie et une foi inébranlable en la grandeur et la richesse de l’histoire de cette civilisation andalouse qui honore les arabes d’aujourd’hui et l’humanité dans son ensemble. C’est ainsi occulter cette mémoire et le drame des Morisques n’a de mérite pour personne et porte plutôt atteinte aux valeurs humaines et au sens même d’une civilisation.
Tunis, le 5 janvier 2011

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TABLE DES MATIÈRES
Partie française

p11 - Abdeljelil Temimi. – Démarches pour une prise de conscience plus large et un appel au pardon de l’Espagne

p15 - Interview sur : négligence des autorités espagnoles et arabo- musulmans du dossier morisque
Etudes :

p37 Première étude :
- Bilan et orientations d’études morisques (1983-2009)

p51 Deuxième étude :
- Les influences morisques dans la société maghrébine : la régence de Tunis comme exemple


p67 Troisième étude :
- Langue des derniers morisques et leur installation au Maghreb à la lumière de nouveaux textes et firmans ottomans
p85 - Bibliographie en français
p89 - Index des noms de personnes et collectivités
p91 - Index des lieux géographiques
Partie arabe
p11 - Abdeljelil Temimi. – Démarches pour une prise de conscience plus large et un appel au pardon de l’Espagne

p15 - Interview sur : négligence des autorités espagnoles et arabo- musulmans du dossier morisque
Etudes :

p43 Première étude :
- Bilan et orientations d’études morisques (1983-2009)

p55 Deuxième étude :
- Les influences morisques dans la société maghrébine : la régence de Tunis comme exemple
p71 Troisième étude :
- Langue des derniers morisques et leur installation au Maghreb a la lumière de nouveaux textes et firmans ottomans ……………………………………………………….
Traduction :
p91 - C. Sarnelli Cerqua. – Al-Hajari en France ………

p101 - Rafaël Carrasco. – Le prix de la foi : l’inquisition de Valence et les biens des Morisques ……

p119 - Mikel de Epalza. – Rites musulmans opposés aux rites chrétiens dans deux textes de Morisques tunisiens : Ibrahim Taybali et Ahmed Al-Hanafi …………………

p125 - Louis Cardaillac. – Le prophétisme, signe de l’identité morisque …………………………………
p137 - Vincent Bernard. – La langue des Morisques ……

p143 - Néjib ben Jemia. – Le bilinguisme à travers la littérature Alhamiado ………………
p149 - Luce Lopez Baralt. – De Abu al-Gayth al-Gachach à Abdeljelil Temimه……
p159 - Bibliographie en arabe (voir bibliographie en langues étrangères) ………………….….
p163 - Index des noms de personnes et collectivités …………...
p167 - Index des lieux géographiques …………………………….

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