A chaque fois que nous avons le plaisir d'assister à un concert de Samira Kadiri, nous nous trouvons devant un apport artistique toujours aussi riche et très recherché.
Cette fois-ci, c'est en compagnie de l'Espagnole Rocio Marquez qu'elles ont toutes les deux développé un beau projet qui a eu lieu, vendredi dernier, pour clore les travaux du colloque international «Les Morisques : une mémoire méditerranéenne commune».
La manifestation s'est déroulée dans une salle archicomble du Théâtre national Mohammed V où un public des plus élitiques a été mené dans un beau voyage musical issu de deux cultures, ayant la même source qui n'est autre que la civilisation mauresque.
Un dialogue des plus profonds entre les chants populaires espagnols, d'une part, puis le Samaâ et Madith marocains, d'autre part, partant des montagnes Bourghiz de Tétouan jusqu'à celles de Becharat à Grenade, où les poésies chantées ont rendu un fervent hommage à la femme mauresque qui a joué un rôle important dans la conservation de la mémoire mauresque et sa perpétuation à travers les générations futures.
« Quand j'ai proposé ce projet, qui rentre dans le cadre de mes recherches, à la chanteuse gitane Rocio Marquez, j'ai été très heureuse de recevoir son accord, car Rocio est une grande chanteuse très célèbre dans le chant gitan. A travers ce projet, elle voulait pénétrer dans un autre univers différent du sien, tout en faisant revivre la mémoire andalouse par la parole, la musique et les rythmes », souligne la chanteuse lyrique Samira Kadiri.
Le chant gitan, le Maoual mauresque gharnati, ainsi que d'autres connotations rythmiques et mélodiques ont fait le bonheur du public présent qui fut subjugué par « la Zambra mauresque », constituant une réponse explicite à plusieurs hypothèses lancées auparavant au sujet des rapprochements entre les deux cultures. « Beaucoup de manuscrits attestent de son origine arabe. Elle consiste au rassemblement de la population, aussi bien gitane que mauresque, autour d'un feu pour chanter et danser jusqu'à des heures tardives de la nuit. Donc, notre projet était de faire revivre tous ces chants anciens du 16e siècle et trouver les points de rencontre et de communication entre nos deux cultures, comme par exemple entre la Saeta et la Aita. Cette dernière étant issue de la région Khmiss Anjra où les habitants, en majorité des morisques, la perpétuent de génération en génération », affirme Samira Kadiri.
Un moment exceptionnel que nous ont fait vivre les deux artistes avec leur professionnalisme et leur charisme, ainsi que la magie qui s'est établie entre les deux ensembles : Arabesque et la troupe espagnole.
Ce magnifique spectacle aura l'occasion de s'offrir à d'autres publics et sous d'autres cieux, notamment aux festivals Madrid Sud, Toledo, celui d'Alegria et bien d'autres.
Mais, Samira Kadiri ne s'arrête pas là. Elle a plusieurs projets en route comme celui qu'elle est en train de préparer en compagnie de l'orchestre philharmonique de France dans une rencontre entre l'Orient et l'Occident, tout en fêtant les musiques sacrées des trois religions. Il sera présenté le 17 septembre prochain.
Un outil de paix et de dialogue
Ce projet a permis de donner une nouvelle lecture de l'histoire à travers des musiques telluriques du Maroc et d'Espagne. C'est aussi une célébration du patrimoine musical des deux rives, qui doit sa grandeur à la diversité inhérente, à l'ampleur de son caractère créatif et, surtout, à son dynamisme et son mouvement vers un futur qui assume la modernité comme un bien en devenir.
Cette voix unique, de la Marocaine Samira Kadiri et l'Espagnole Rocio Marquez, a essayé, tout au long de ce concert d'une heure et demie, de nous mener dans un périple artistique fantastique, esthétique et spirituel. Un voyage par le biais de la musique et l´âme de deux cultures qui ont abreuvé dans une même source, à travers le dialogue et l'interaction des saetas des deux rives, du génie gitan au mawal mauresque, de l'istikhbar gharnati aux seguiriyas.
Cette relecture historique par le biais de la musique a montré la richesse de cette mémoire commune de la Méditerranée qui s'est transformée en pont civilisationnel entre le nord et le sud, malgré la tragédie humaine vécue par les mauresques après leur expulsion, il y a plus de 400 ans.
Source: Le matin.ma
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