L'Espagne et le Maghreb entretiennent historiquement des relations et des échanges
privilégiés, pour des raisons en premier lieu géographiques et géopolitiques : le nord de
l'Afrique et la péninsule ibérique sont en effet des territoires frontaliers, séparés et reliés par
une frontière liquide constituée par les quelques kilomètres du détroit de Gibraltar. Cette
configuration a favorisé très tôt des échanges migratoires et des transferts de populations
entre les deux territoires. Ces derniers sont également reliés, depuis la fin du XVe siècle, par
des frontières terrestres entre le Maroc et les enclaves espagnoles de Ceuta (antérieurement
portugaise) et Melilla.
Sur le temps long, la « crise » migratoire actuelle, dont l'Espagne est l'un des épicentres
européens, ne constitue que l'un des aspects des nombreuses et diverses manifestations de
ces mouvements de populations entre le nord et le sud de la Méditerranée occidentale. Selon
les époques et les contextes socio-politiques, le sens majoritaire des migrations alterne, avec
des flux et des reflux dans le temps : tantôt ce sont des populations en provenance des régions
hispaniques qui se sont installées en Afrique du Nord (Vandales au Ve siècle de notre ère, juifs
puis morisques expulsés d'Espagne à la fin du XVe et au début du XVIIe siècles, installation
d'Espagnols en Oranie entre 1830 et 1914...) ; tantôt, au contraire, les flux migratoires
dominants se sont déroulés dans le sens inverse (Carthaginois en Espagne, Conquête araboberbère
de la péninsule ibérique en 711, nouvelles conquêtes almoravides et almohades aux
XIIe et XIIIe siècles, retours ponctuels de morisques dans la Péninsule, "retour" des juifs en
Espagne sous le gouvernement de Primo de Rivera dans les années 1920, "retour" de « pieds
noirs » d’origine espagnole à Alicante...).
À l'heure où l'Espagne concentre, avec la Grèce et l’Italie, l'immense majorité des entrées de
migrant.e.s en Europe, on peut se demander en quoi la situation actuelle est symptomatique
d'un processus global de refrontiérisation (rebordering, G. Popescu 2011) qui voit les
frontières d'État se durcir pour devenir des instruments forts de contrôle des migrations.
Dans ce contexte d’émergence de "frontières violentes" (R. Jones, 2016), ce colloque, ouvert
aux spécialistes de différentes disciplines (arabisants, géographes, hispanistes, historiens,
mais aussi sociologues, politistes ou anthropologues), réfléchira aux réalités, aux
représentations et aux fruits de ces migrations et échanges croisés de populations à travers le
temps. Il visera ainsi à interroger le fonctionnement même de la frontière entre le Maghreb
et l’Espagne, du Moyen Âge à nos jours, afin d'identifier les moments charnières qui l’ont vu
évoluer.
Les axes de réflexion proposés (non exhaustifs) seront les suivants :
- Les deux rives du détroit de Gibraltar comme horizon de conquête à travers l’histoire, du sud
vers le nord (conquêtes et invasions arabo-berbères jusqu’au XIVe siècle) puis du nord vers le
sud : projections impériales, réalités et fantasmes d’occupation et de colonisation (conquêtes
espagnoles en Afrique du Nord à la fin du XV/début du XVIe siècle, projet franquiste de
colonisation de l’Oranie…) ;
- Villes-frontières et territoires-charnières de la frontière hispano-maghrébine comme points
de contact, lieux de passage, de perméabilité entre Afrique et Europe mais aussi comme lieux
de division, de séparation, de privation de liberté, de violence et de mort ;
- Représentations de la frontière hispano-maghrébine : mentales (peur de l'autre migrant,
peur de l'invasion, projections et illusions), linguistiques (les mots de la frontière), littéraires,
expressions artistiques (dont cinéma), discours historiographiques ;
- Migrations et implantions espagnoles au Maghreb/migrations et implantations maghrébines
en Espagne : diaspora séfarade en Afrique du nord après l’expulsion des Juifs d’Espagne, exil
des communautés morisques après 1609, Espagnols dans l’Algérie colonisée, exil de
républicains espagnols au Maghreb, communauté marocaine (depuis les années 1990
notamment), mineurs non accompagnés en Espagne (marocains et algériens notamment) …
- Figures et acteurs de la frontière hispano-maghrébine à travers les époques : pirates,
corsaires, transfuges, espions, convertis, marchands, travailleurs saisonniers, prisonniers,
alfaqueques, passeurs, trafiquants d'êtres humains, membres d’ONG…
- Hybridité culturelle et métissage : identités métissées, doubles traditions culturelles,
bilinguisme, communauté hispanophone au Maghreb, littérature marocaine en langue
espagnole.
Mots clés : migrations- frontières- frontiérisation- mouvements de populations- Espagne-Andalousie-Algérie-Maroc-Tunisie -Méditerranée- représentations de l'Autre.
Comité scientifique :
Youssef Akmir (Université Ibn Zohr, Agadir)
Anne-Laure Amilhat-Szary (Université Grenoble Alpes)
Pierre-Alexandre Beylier (Université Grenoble Alpes)
Elisabeth Bolorinos Allard (University of Oxford)
Houssem Eddine Chachia (Université de Sfax)
Bernabé López García (Universidad Autónoma de Madrid)
Gabriel Martinez-Gros (Université Paris X-Nanterre)
Carmelo Pérez Beltrán (Universidad de Granada)
Nicolás Sesma Landrin (Université Grenoble Alpes)
Langues : espagnol, anglais, français
Envoi des propositions : les propositions de communications sont à adresser aux organisatrices sous la forme d’un résumé de 450 mots environ, avec un titre, au plus tard le
31 mars 2021 : alice.carette@univ-grenoble-alpes.fr, claire.marynower@iepg.fr, rvelde@unex.es
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